Penseur

vendredi, septembre 28, 2007

Classement des universités : l'Ecole des Mines se couvre de ridicule

Je ne suis pas un fan du classement de Shangai des universités du monde. Biais en faveur des grosses universités, surimportance des prix Nobel, mélange de toutes les disciplines... Le classement du Times (accès réservé, désolé) est un peu plus équilibré, mais la pertinence de ce genre de classement reste toujours contestable. Ils peuvent difficilement mesurer la qualité de l'enseignement, tout au plus l'impact de l'université dans le monde de la recherche. C'est peut-être déjà bien, cela dit, car cette visibilité fait beaucoup pour sa renommé, sa capacité à attirer des étudiants et des chercheurs brillants.


Toujours est-il que plutôt que de se lamenter sur la place des universités et écoles françaises, complètement invisible à l'échelle mondiale, et essayer de se réformer, l'Ecole des Mines a proposé son propre classement. On s'étonne à peine que cinq établissements français (dont l'école des Mines) entrent dans le top 10 : ils ont simplement remplacé un biais par un autre.

Le critère est le nombre de PDG d'entreprises du top 500 du magazine Fortune.

Vous avez bien lu. L'Ecole des Mines, un des fleurons de l'intelligence française, prétend classer les universités du monde sur un critère unique, là ou même le classement de Shangai en croise plusieurs pour minimiser les biais. Et quel critère !

Le choix du nombre de PDG reflète bien le fonctionnement des écoles d'ingénieurs, qui forment des managers avant de former des ingénieurs (et ne parlons pas des scientifiques). La recherche est écarté de la "qualité" de l'établissement supérieur. Ca tombe bien, les écoles françaises n'en font presque pas. Pourtant, c'est là que se crée le savoir et l'innovation, cela devrait avoir son importance. Et si l'on veut mesurer la qualité de l'enseignement, une recherche dynamique est un formidable atout pour les élèves, qui apprennent souvent bien plus dans les labos et en conduisant leur propre recherche que dans les salles de cours. Mais ça ne fait pas partie du modèle français...

A l'extrème limite, si l'on devait suivre l'école des Mines dans cette façon de voir l'enseignement supérieur comme purement orientée vers le "business", il est ridicule de ne compter que les PDG du top 500 des entreprises mondiales. C'est un biais gigantesque en faveur de la France, où un système fermé d'école "d'élite" produit en vase clos un petit vivier de dirigeants pour quelques "champions nationaux". Aux Etats-Unis, un étudiant d'Harvard n'est pas destiné à viser le top management d'Exxon ou d'IBM, et à l'inverse ces positions dirigeantes ne sont pas inimaginables pour un graduate d'une université moins connue. L'Allemagne, le Royaume-Uni, presque tous les pays au monde sauf peut-être le Japon, n'ont pas ce système français qui est ici hyper-avantagé. Ajoutons que même si la France ne poussait pas autant ses "champions nationaux", et ses meilleurs étudiants vers des postes haut placés dans ces derniers, il y aurait toujours un biais en défaveur des pays émergents. En effet, des pays comme le Brésil, la Chine ou l'Inde ont parfois d'excellents établissements, mais peu d'entreprises dans le top 500. Il n'y a qu'à lire la liste des entreprises dans la première partie du classement...

Il aurait été préférable, si l'on veut rester dans le monde de l'entreprise (choix contestable en lui-même, mais passons), de compter le nombre de création d'entreprise à la sortie (voire avant la sortie) de l'école. Les qualités d'entrepreneur sont certainement plus représentatives de ce qu'un étudiant peut apprendre dans une bonne université, que ce soit sur le plan technique commercial ou humain, que celles d'un manager.

Récapitulons. L'Ecole des Mines, dans le seul but de faire figurer des établissements français dans un top 10 mondial, a créé le classement le plus mauvais que l'on pouvait imaginer. Le fait d'avoir retenu un seul critère, la décorrellation totale de ce critère avec l'enseignement ou la recherche qui s'effectue dans l'établissement, sont plus la marque d'une jalousie exacerbée que d'une volonté de recalibrer la mesure. Bien des biais français sont révélés ici : fierté mal placée, endogamie des élites, manque de remise en question. C'est presque un contre-exemple de ce à quoi il faut accorder de l'importance dans la réforme des universités et des écoles d'ingénieurs : l'économie et la société française ont besoin de scientifiques, d'entrepreneurs et de start-up, pas de managers et de champions nationaux. L'Ecole des Mines ne fait pas honneur à sa réputation, dans cette histoire.

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jeudi, septembre 27, 2007

Quand un solide est un liquide

Le billet du jour est inspiré d'une anecdote lue sur le blog de Cecilia, une des héroïnes du tellement geek PHD Comics.

En passant le poste de sécurité d'un aéroport américain, elle s'est fait confisquer du savon, au pretexte que celui-ci pourrait fondre et donc tomber sous le coup de l'interdiction des liquides.

Au-delà de l'idiotie de la mesure, elle pose l'intéressante question (que je me suis déjà posée un certain nombre de fois) de ce qui arriverait si un scientifique pointilleux était affecté à une telle surveillance. Il deviendrait fou, je crois : la diversité des matériaux se moque bien des dénominations (gels, liquides, ...) dans lesquels on voudrait les faire entrer !

Vous savez que j'aime beaucoup ce sujet. La personne qui a rédigé les consignes de sécurité post-attentats déjoués de Londres souhaite interdire les liquides, gels et aérosols. Très bien. Mais la réalité est plus compliquée bien entendu (d'autant que la mise en application de ces règles est très variée, certains aéroports confisquant tout de l'eau au chocolat, d'autres étant plus raisonnables... passons).

Un liquide est principalement défini par sa façon de s'écouler : en rhéologie, on dit qu'un liquide se déforme de façon irréversible au moindre stress qu'il subit. Un gel, par contre, n'est pas défini par sa façon de se déformer (il se déforme de façon élastique, comme beaucoup d'autres solides), mais par sa structure physique : il s'agit de poches de liquide (ou d'air) piégées par un réseau solide continu. Un aérosol se défini lui aussi physiquement : il s'agit d'une suspension de particules, solides ou liquides, dans l'air.

Le fait de définir les objets interdits de façon différente pose des problèmes.

Qu'en est-il des pâtes et autres fluides à seuil, qui sont solides en dessous d'un certain niveau de contrainte, et fluides au-dessus ? Le dentifrice est interdit, les déodorants en stick sont autorisés, mais rien ne les sépare nettement. Le seul critère qui s'applique est l'appréciation du directeur de la sécurité de l'aéroport sur le seuil de contraintes...

Les polymères et autres plastiques offrent un autre exemple amusant. J'ai déjà parlé du Silly Putty : si l'on attend quelques minutes, cette substance qui répond au doux nom de poly(dimethyl siloxane), s'écoule comme un fluide un peu visqueux. Mais si l'on en forme une boule, elle rebondira plus haut qu'une balle de caoutchouc ! J'aimerais voir la tête du douanier devant cette situation.

Continuons avec les aérosols. Comme il est impossible de transporter un nuage avec soi, ce qui est interdit est évident ce que le mot habituel d'aérosol recouvre, c'est-à-dire une petite bonbonne avec un liquide sous pression, dont la température d'ébullition est juste inférieure à la température ambiante. Dans ce cas, ce qui est interdit, c'est la possibilité de réaliser le nuage. Mais qu'en est-il des poudres, qui, certes solides, sont tout aussi bien capables de créer un aérosol ? Soufflez simplement sur de la farine pour comprendre ce que je veux dire...

Finissons sur les gels. Le mot est utilisé à tort pour certains liquides visqueux, alors qu'un gel se définit quand le réseau solide (polymères, particules d'argiles, ou autre) s'étend d'un bout à l'autre du fluide, lui donnant des propriétés de solide. Certes mou, mais solide. La confusion ne prête pas à conséquence entre gel et liquides visqueux, puisque les deux catégories sont interdites. Mais entre un gel très dense et un caoutchouc un peu mou, il n'y a aucune autre façon de trancher que de le mettre à sécher pour voir si du liquide s'évapore.

J'ai bien conscience que tout cela est un peu geek et n'a pas de conséquences pratiques, puisque vous n'allez pas vous connecter sur ce blog pour argumenter avec un agent de sécurité la prochaine fois que vous essayerez de faire passer de la Silly Putty en douce. Mais on s'occupe comme on peut dans les aéroports...

A part ça, je suis très pris en ce moment, je pense que ça s'est vu dans la fréquence de publication. Je m'en excuse, et j'espère rester dans vos lecteurs RSS. J'essaie de trouver du temps pour lire la Conscience Expliquée de Daniel Denett, j'espère en faire un commentaire d'ici quelques temps, peut-être en plusieurs parties comme pour le Gène Egoiste (1, 2, 3, 4).

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lundi, septembre 17, 2007

C'est pas beau de se moquer !

J'avais - enfin, nous avions, ne faites pas les innocents - bien ri en lisant, dans les motivations d'un article de review sur la physique des jets de liquide, que ce travail pouvait s'appliquer à la formation de l'univers.

Riez, mortels, la Science sera toujours plus forte que vous.

En effet, il semblerait que des structures en filament, qui, à une loi d'échelle près, pourraient bien être analogues à un fil de liquide visco-élastique, pourraient avoir été le lieu de formation de la fameuse "matière noire" (voir aussi Techno-sciences).

Est-ce que l'analogie est faible (basée juste sur l'aspect) ou tient-elle la route ? Comme je l'avais dit ici, tout dépend s'il est possible de trouver l'analogue des forces qui gouvernent le mouvement du fluide dans ces conditions. En particulier, la tension de surface pourrait être mathématiquement similaire à l'effet de la gravité, puisqu'elles sont toutes deux des effets cohésifs.

Ce qui fait le plus "tilt", c'est de lire que ces filaments auraient donné naissance aux trous noirs supermassif. Ces trous noirs sont des singularités de la gravitation : un point localisé dans l'espace où la force tend vers l'infini. Et, justement, quand un fil s'amincit, la pression augmente localement - et le moment de la rupture est une singularité des équations de la mécanique des fluides, avec la pression qui diverge...

Source de l'image : le site de José Bico avec de bien belles images et expériences !

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samedi, septembre 15, 2007

Le Grenelle de l'Environnement

Même si j'étais - et je suis encore - dubitatif sur la grosse machine qu'est le Grenelle de l'environnement et sur les resultats qui en sortiront, il faut reconnaître que c'est une formidable occasion de dialogue pour des acteurs qui n'ont pas forcément l'habitude d'échanger leurs points de vue. Je suppose qu'il est illusoire de penser que tous les groupes de travail produiront des textes forts, consensuels, et immédiatement traduits en actes, mais sur la majorité de ces sujets mélant écologie et économie, le plus limité des compromis serait déjà une avancée.

Les sujets abordés sont les suivants :

  • Changement climatique et énergie. Sans doute celui où les résultats concrets les plus intéressants sont à espérer.
  • Biodiversité et ressources naturelles
  • Environnement et santé, abordant des thèmes comme les OGMs (principalement), les polluants chimiques, peut-être les nanotechnologies. Les positions dans ce domaine sont souvent très tranchées, esperons que le débat ne tourne pas au dialogue de sourds.
  • Production et consommation durable. Je suis dubitatif sur la possibilité de consensus, les syndicats et les ONG ayant des points de départ radicalement opposés.
  • Démocratie écologique., dont je trouve l'objectif (intégrer l'écologie dans les processus d'analyse et de décision) louable mais flou.
  • Innovation et écologie, à mon avis le plus important car il lie le pragmatisme indispensable sur ce sujet (il sera très dur de changer massivement les habitudes de vie), recherche de solutions technologiques, et adaptation de la France à la mondialisation. J'en avais parlé ici sur l'exemple californien, , et . C'est le groupe dont je suivrai le plus attentivement les conclusions.
Pour savoir un peu ce qui se passe dans les différents groupes, le ministère de l'écologie a ouvert une chaîne Youtube pour diffuser des interviews des différents participants. Au delà du gadget pour "faire moderne", cela permet d'anticiper sur les débats et échanges qui devraient avoir lieu à la fin des discussions dans les groupes. Malheureusement, les interviews sont souvent assez convenues, avec de beaux exemples de langue de bois...

Vous avez certainement des points de vue différents ou des informations supplémentaires sur le Grenelle de l'environnement. Qu'en pensez-vous ?

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mardi, septembre 11, 2007

Plus de médicaments ou des médicaments plus sûrs ?

J'ai pris connaissance récemment d'un débat qui pose la question intéressante d'un trade-off entre le contrôle accru des agences sanitaires des médicaments avant leur mise sur le marché et la mise à disposition rapide de ces nouveaux médicaments.

Les scandales liés à des médicaments aux effets secondaires dangereux insuffisament étudiés sont nombreux : Avandia et Ketek récemment, Prozac en 2005, Vioxx en 2004. Ces antidépresseurs, anti-inflammatoires, ou encore anti maladies cardiovasculaires, aux effets secondaires potentiellement dangereux, sont passés au travers des mailles du filet des agences sanitaires, FDA (Food and Drugs administration) en tête. Et ce, malgré, ou plutôt à cause de, leur large diffusion prévisible.

Le docteur Rosen, un ancien membre d'un panel de conseil auprès de la FDA, appelle maintenant à des tests plus rigoureux. Vous pouvez lire à ce propos un article du Boston Globe. L'enjeu ici est double : il faut que les tests soient efficaces, pour déterminer la dangerosité d'un produit, mais sans trop retarder la mise sur le marché des médicaments bénéfiques, qui est déjà un processus très long.

Les critiques de la FDA pensent qu'elle utilise des tests aux standards trop faibles ou à l'objectif trop limité (par exemple être capable de reduire à cours terme le taux de sucre des diabétiques, sans s'intéresser aux effets à long terme, qu'ils soient positifs ou négatifs), sur un nombre trop limité de patients, et sans tester des combinaisons avec d'autres médicaments, pour gagner du temps.

D'un autre côté, si les nouveaux tests doublent le nombre de testeurs nécessaires et augmente de moitié la durée des tests, le développement de nouveaux médicaments ne sera pas seulement ralenti, mais inhibé. Et, souvenez-vous, il est déjà difficile de développer certains produits pourtant prometteurs...

Il n'y a pas de réponse évidente à cette question. Un certain compromis être les deux tendances peut être trouvé, mais il serait préférable d'affiner les critères en fonction des types de médicaments, en étant capable de dire à l'avance quels types de médicaments posent plus de risques. Ce type d'études du risque, se basant principalement sur la complexité des problèmes (par exemple, s'attaquer à un ulcère d'estomac est un problème localisé alors que changer la concentration d'une hormone dans l'organisme peut avoir des effets en cascade imprévus), se développe peu à peu. Il pourrait épargner beaucoup de temps et d'argent, à consacrer ensuite à des tests plus poussés là où il y en a besoin.

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dimanche, septembre 09, 2007

Des abeilles et des hommes

L'affaire devient préoccupante. Depuis plusieurs mois, plusieurs années même, les apiculteurs crient à l'assassin. Contre le Gaucho de Bayer, contre le Régent de BASF, ces insecticides qui emportent au passage les abeilles avec les autres insectes. Criaient-ils au loup ? Les études ne tranchent pas nettement. En tout cas, leur interdiction a quelque peu freiné l'hécatombe.

Quelques faits :
  • A l'automne et à l'hiver, les ruches "meurent" parfois, quand la reine meurt de froid, ou que les occupants n'ont pas fait assez de réserves. Ces disparitions hivernales touchent en temps normal 5 à 10% des ruches.
  • Dans le syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles, les ruches "meurent" rapidement, parfois en une nuit, quand les abeilles ne rentrent pas à la ruche. On ne retrouve pas de cadavres d'abeilles, la ruche est simplement vidée.
  • Entre un quart et la moitié des ruches américaines ont été vidées de leurs occupants à l'automne-hiver 2006.
  • Ce niveau de mortalité était atteint en Europe depuis 2000, mais est redescendu à des niveaux normaux cet été, ce qui est peut-être lié à l'interdiction des insecticides ci-dessus.
  • Les causes peuvent être multiples, parasites, virus, insecticides... Les programmes de recherche sur la question sont récents et n'ont pas encore produits d'étude systématique.

Je ne suis pas spécialiste de la question, ma valeur ajoutée sur le sujet sera très faible. Mais le sujet me semble suffisament préoccupant, face à un syndrome dévastateur et mystérieux qui prend des proportions de pandémie mondiale, pour relayer les informations glanées à droite et à gauche.

A lire, donc :

Voilà tout pour aujourd'hui. N'hésitez pas à partager vos informations sur le sujet !

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vendredi, septembre 07, 2007

A quoi sert ta recherche ?

Un peu de légèreté pour fêter la reprise : comment répondre à la question que tout chercheur a subit à un moment ou un autre, "Mais finalement ce que tu fais là, ta recherche, ça sert à quoi ?".

Il n'est pas de meilleure réponse que cette citation de Richard Feynman !

La physique, c'est comme le sexe. Ils donnent parfois des résultats concrets, mais la plupart du temps, ce n'est pour cela qu'on les pratique.

source

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