Penseur

mardi, décembre 19, 2006

Aérogels

La mission Stardust vient de rentrer sur Terre. Vous n’en avez peut-être pas entendu parler, car elle ne faisait pas parti de ce club fermé des expéditions spatiales qui ont les faveurs des médias. La pauvre, son seul objet était de ramener quelques poussières de l’espace. Qui s’intéresserait au Balai de l’Espace ? Et bien moi, j’avoue avoir un petit faible pour cette Cendrillon de la NASA, principalement à cause de la manière élégante dont lesdites poussières sont récoltées.

Les poussières en elles-mêmes sont plutôt intéressantes, en particulier parce que leur composition peut nous donner des indices pour valider l’hypothèse d’un apport spatial de matière organique dont nous parlions ici. Cependant, ce qui a retenu mon attention, c’est que ces poussières sont « récoltées » en exposant simplement à l’espace libre[1] des panneaux d’aérogel renforcés d’aluminium, dans lesquels les poussières cosmiques viennent s’enfoncer et sont piégées. La beauté de la technique est qu’en plus de récolter des particules, elle nous renseigne sur leur vitesse, leur répartition (par paquets ou dispersées), ou encore leur direction.

Mais qu’est-ce qu’un aérogel, me direz-vous ?

Déjà, première étape, qu’est-ce qu’un gel ? Cet état de la matière, ni vraiment solide, ni vraiment liquide, mais intermédiaire entre les deux, s’obtient quand des chaînes connectées s’étendent d’un bout à l’autre d’un liquide. Ces chaînes peuvent être aussi bien des molécules, qui forment de longues chaînes appelées polymères, que des assemblages électrostatiques de particules chargées, comme dans le cas des argiles. Durant la réaction de polymérisation, ou durant le processus d’assemblage électrostatique, il arrive un moment, appelé point de gélation, où les chaînes sont assez grandes pour relier les bords du récipient contenant le liquide. C’est le moment où le liquide « prend en masse », où sa viscosité et son élasticité montent en flèche, où on peut le manipuler comme un solide. Les gels pour cheveux, la gelée de groseille, ou la gélatine, sont de bons exemples.

Certains scientifiques un peu barges (des californiens, donc), ont tenté dans les années 30 de retirer l’eau des gels, ce qui n’est pas une mince affaire puisque le liquide peut représenter jusqu’à 99,8% du volume du gel. La motivation de départ était un pari (les paris débiles et alcoolisés font tourner le monde, je l’ai toujours dit), celui de retirer toute l’eau d’une confiture sans diminution de volume. Je vous passe les détails techniques, mais il se trouve que simplement chauffer l’eau pour la faire évaporer créé des interfaces vapeur d’eau/eau liquide, à la surface desquelles s’exerce une force appelée tension de surface. La force cumulée de toutes ces interfaces est largement suffisante pour faire s’écrouler tout l’édifice du gel.

L’astuce est de remplacer l’eau par du dioxyde du carbone liquide, sous pression, puis de le faire évaporer. Dans certaines conditions, il s’évapore de façon continue, sans interface liquide/vapeur. Ce qui reste est un aérogel, une délicate architecture de fines chaînes se soutenant l’une et l’autre.



Les aérogels sont les solides les moins denses que l’on connaisse : leur densité peut être aussi faible que cinq fois celle de l’air. Ils sont aussi les meilleurs isolants thermiques, ce dont témoignent ces quelques images. En effet, leur structure très particulière ne permet aucun transfert de chaleur à distance, ni par conduction ni par convection.



Enfin, leur nature solide ne fait aucun doute, puisqu’ils peuvent supporter des briques 2000 fois plus lourdes ! Par contre, ils sont immensément friables, et ne résistent pas aux chocs. C’est cette dernière propriété qui est exploitée par Stardust : la moindre poussière cosmique voyageant un peu rapidement s’y enfonce.


[1] L’équivalent de « à l’air libre », mais dans l’espace.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il fallait y penser! Très joli

Matthieu a dit…

non seulement très joli, mais aussi étonnantes propriétés. Je n'ai toujours pas compris comment de fins traits de verre pouvaient soutenir cette énorme brique...