Penseur

mercredi, juillet 30, 2008

Les nanotubes de carbones pourraient provoquer le cancer

Technology Review nous apprennait il y a quelques temps que deux etudes montrent la dangerosite des nanotubes de carbones, susceptibles de provoquer des cancers de facon assez similaire a l'amiante, dont ils partagent le grand rapport d'aspect (les nanotubes de carbone sont extremement fin pour leur longueur, ce d'ailleurs ce qui est utilise dans la plupart des applications).

Evidement, cela va dans la direction de ceux qui s'opposent de facon systematique et obscurantiste a la recherche sur les nanotechnologies et a leurs applications.

Pourtant d'un point de vue pratique, il vaut mieux reflechir sereinement a ce que ces etudes impliquent. Les nanotubes ne sont presque jamais "a l'air libre", comme l'etaient les fibres d'amiante dans le cas des matelas d'isolation thermique. Dans les materiaux composites, ils sont enchasses dans une matrice plastique ou metallique dont ils renforcent les proprietes mecaniques. Dans les accumulateurs, dont ils renforcent la capacite, ou dans les ecrans plats de nouvelle generation, ou ils offrent une meilleure resolution pour une consommation plus faible, ils ne sont pas en contact avec l'exterieur. De meme pour les circuits electroniques a base de nanotubes, qui promettent de poursuivre la course a la puissance de la loi de Moore, meme s'ils n'ont pas encore atteint le stade du prototype.

Concretement, les dangers possibles ne sont pas pour les consomateurs, mais se posent plutot a l'etape de la fabrication, et a celles du recyclage ou de la mise au rebut, pour les ouvriers. Il faut donc que les industriels prennent ces etudes en consideration pour ne pas les mettre en danger, et si besoin que les pouvoirs publics creent des regles sanitaires adaptees. Cela aurait le merite d'etre plus efficace que tous les moratoires ou principe de precaution du monde.

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lundi, juillet 28, 2008

L'erreur du vieillissement

Et si le vieillissement n'etait qu'une erreur de l'evolution ?

Je me souviens avoir lu cette idee pour la premiere fois sous la plume de Richard Dawkins (dont j'avais deja parle a une epoque). L'idee est que les genes, egoistes comme de bien entendu, sont selectionnes par l'evolution pour leur capacite a se perpetuer dans la descendance des individus qui les portent, mais pas specialement pour leur capacite a maintenir lesdits individus en bonne sante. Bien entendu, la pression de l'environnement fait que les genes choisis ont tendance a rendre les individus bien portants et bien adaptes jusqu'a leur reproduction, voire jusqu'a ce que les descendants soient prets a affronter le monde avec de bonnes chances de survie, mais cela ne dit rien sur la fin de la vie. Un gene qui aurait tendance a ameliorer l'activite des individus dans leur jeunesse, au detriment de leur esperance de vie pourrait meme etre selectionne ! On peut imaginer, par exemple, que bruler trop vite des reserves d'energie, ou ne pas consacrer trop d'energie a la reparation des problemes du corps, puisse ameliorer les chances de reproduction de l'individu.

Cela s'oppose, de fait, a la vision classique dans laquelle les stress de l'environnement (oxydations, chocs, mutations, ...) s'accumulent au cours de la vie, jusqu'a devenir trop grands pour les capacites de recuperation de l'organisme. Cette vue classique est montree par de nombreuses etudes et sert de base a un certain nombre de produits anti-vieillissement.

Pourtant, une etude publiee dans Cell (via Technology Review) montre chez les vers nematodes un interessant mecanisme qui se rapproche de la vision genetique du vieillissement. Les chercheurs ont identifie des genes dont l'expression changeait avec l'age, et ont d'abord montre que ce changement n'etait pas lie aux stress externes possibles. Ils ont ensuite fait en sorte de modifier l'activite de ces genes pour reproduire leur activite "jeune", et ont constate une augmentation de la duree de vie des vers.

Ainsi, et meme si l'article de Technology Review met en garde contre les extrapolations trop rapides aux humains, une nouvelle piste dans la lutte contre les effets du vieillissement est ouverte.
Ajout du 29/07 : Coincidence sur la blogosphere scientifique francaise, Tom Roud a assiste a une conference precisement sur le sujet et nous en fait un compte-rendu detaille.

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dimanche, juillet 27, 2008

Recettes de gastronomie moleculaire - suite

En complement des premiers exemples de gastronomie moleculaire, voila une adresse utile pour tous les curieux : Khymos, un blog entierement dedie a cette branche nouvelle de la cuisine. En particulier, vous trouverez ici toute une serie de recettes dediees aux "hydrocolloides", un terme que je ne trouve pas tres exact scientifiquement car elles couvrent en fait tous les types de gels que l'on peut obtenir dans la cuisine.

Bon appetit !

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lundi, juillet 14, 2008

Gastronomie moleculaire, coincidence et recettes

La cuisine telle que la plupart d'entre nous la pratique et la connait est faite d'habitudes, transmises par tradition orale ou dans des livres de cuisine. Au-dela de ces habitudes, en termes de gout comme de technique, les grands chefs pratiquent la creation de nouvelles combinaisons et testent de nouveaux ingredients. En plus de raffiner a l'extreme les techniques connues, ils font aussi evoluer nos gouts. Cependant, ils restent dans le cadre de l'experimentation, sans rationaliser et abstraire leur demarche, ce qui les prive d'un grand nombre de pistes nouvelles.


Cette demarche d'abstraction, c'est le role d'une nouvelle science, la gastronomie moleculaire, dont nous avions deja parle a propos d'Herve This. Justement, un nouveau blog de gastronomie moleculaire a ete lance par Claude Costiou, pour completer les seminaires d'Herve This (vous le saviez deja, bien entendu, depuis que le Doc en avait parle).


L'idee de la gastronomie moleculaire, c'est d'appliquer le raisonnement scientifique a la cuisine, pour 1) analyser nos habitudes et techniques culinaires 2) systematiser, abstraire, comprendre les plats que nous mangeons et comment ils sont fait 3) ouvrir des voies, des possibilites, de facon a ce que les cuisiniers s'emparent de ces suggestions pour creer de nouveaux plats. Un exemple entre mille, savoir ce qu'est une mousse, comment elle se forme et comment elle tient peut permettre de creer des mousses de n'importe quel aliment (plutot que ceux qui moussent naturellement comme les oeufs en neige), et les meilleurs cuisiniers peuvent alors jouer avec cette structure pour former une combinaison avec des gouts inattendus. A ce moment, la science laisse place a l'art.


Je m'interesse enormement a cette science, et je devore les livres d'Herve This a leur sortie (enfin, il m'en manque beaucoup, avis aux amis de passage sur ce blog). Cote applications, par contre, mes tentatives n'ont pas ete toutes tres heureuses, sauf un gateau chocolat-gelee d'orange que je vous recommande. Je vais m'essayer a vous donner une recette approximative, et vous pourrez improviser dessus si vous voulez.


Gateau chocolat-gelee d'orange
La premiere etape est de faire un gateau au chocolat assez ferme, en suivant par exemple cette recette. Utilisez soit un moule tres large, sur une faible epaisseur, soit au contraire un moule haut et etroit. Dans les deux cas l'etape suivante est de decouper trois ou quatre tranches, a l'emporte-piece dans la premiere solution, au couteau et dans l'epaisseur dans le second cas. Pendant la cuisson du gateau, vous aurez dissous un sachet de gelatine dans un peu de jus d'orange frais. Vous y ajouterez ensuite du jus d'orange chauffe a la casserole, puis verserez le tout dans un grand recipient a fond plat. Apres quelques heures au refrigerateur, vous aurez obtenu une couche de gelatine a l'orange, dans laquelle vous decouperez des tranches de meme taille que celles de gateau. En empilant en alternance tranches de gateau et tranches de gelee a l'orange vous obtiendrez un delicieux gateau, que vous pouvez completer par un glacage au chocolot pour un meilleur aspect.


Pour trouver des vrais plats, j'ai eu la chance de faire un repas dans un restaurant qui pratiquait la gastronomie moleculaire, et j'ai pu experimenter ce melange de gouts et de textures qui font d'experts comme Ferran Adria, Helston Blumenthal ou Pierre Gagnaire les cuisiniers les plus en vue du moment. Voila deux exemples :


Glacis de radis au beurre
Cette recette reprend et renouvelle la classique entree de radis au beurre. Ici, les radis sont mis dans un mixer avec un peu d'eau et de sel, broyes, puis le reliquat est passe au filtre, assez fin, pour ne receuillir que le jus. Le jus est ensuite solidifie avec de l'agar-agar, un gelifiant extrait d'algues qui permet d'obtenir des gelees assez dures. On obtient ainsi une petite plaque au gout radis, presque craquante, que l'on sert avec une noisette de beurre. Delicieux et tres joli !


Ravioli d'huitre et mousse de concombre
Tres simplement, la mousse de concombre s'obtient en battant au fouet electrique du jus de concombre, et en en recueillant l'ecume. Attention, servir immediatement ! Le ravioli d'huitre, lui, se fait en gelifiant un peu de jus de concombre avec de l'agar-agar (moins que pour le radius, pour conserver de la souplesse). On se sert ensuite de la pate translucide obtenue pour confectionner un ravioli autour de la chair d'une huitre. Par contre je ne sais pas comment "coller" les bords de la pate entre eux, le chef a garde quelques secrets...


Voila, bon appetit ! Si vous testez ces recettes, partagez avec nous vos resultats, et n'hesitez pas a en proposer d'autres !

Source de l'image : Dining and Wining

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vendredi, mars 28, 2008

Alain Bernard et sa combinaison Speedo

La nouvelle combinaison Speedo LZR a deja battu 14 records du monde ! Enfin, ce sont les nageurs qui l'utilisent, dont notre Alain Bernard national, qui ont battus les records. Mais tout de même, ces incroyables performances font lever quelques sourcils : serait-ce de la triche ?


Je vous préviens tout de suite que je ne vais pas répondre à la question posée. J'ai toujours eu du mal à comprendre ou était la frontière de l'acceptable en matière d'interaction science-performance sportive. Certaines pratiques nutritionelles sont acceptées (des pâtes la veille de la compétition), d'autres non (des produits riches en vitamine C juste avant de concourir). Certaines techniques médicales sont acceptées, d'autres non. La limite est loin d'être aussi simple que "ce qui met en danger la vie des sportifs". Non, c'est plus subtil, c'est une combinaison de ce qui se fait traditionellement, ce qui est trop nouveau pour ne pas être répandu chez tous les coureurs, ce qui apparaît choquant aux yeux du spectateur... En terme de technique, c'est la même chose. Des baskets ultra-perfectionnées, c'est ok. Des jambes à ressort, non. Pourquoi ? Je ne sais pas, les autorités sportives ont peut-être eu peur que les athlètes se coupent les jambes pour aller plus vite.

Bon, revenons à notre combinaison. Quel est l'effet de la combinaison LZR ? Un premier effet est de gainer le corps du nageur dans une position optimale, donnant à peu de frais aux nageurs la posture que les meilleurs techniciens mettent des années à affiner, et permettant à ces derniers de la maintenir plus longtemps. Un deuxième effet et d'améliorer très légèrement la flottabilité du nageur, ce qui semble-t-il pourrait être un critère d'interdiction, si la fédération internationale avait les moyens de le mesurer, ce qui n'est apparement pas le cas.

Le troisième et dernier effet va enfin nous permettre de parler de science. La combinaison LZR permet de reduire l'effet de la viscosité de l'eau, permettant au nageur de faire face à moins de frottements. Voilà qui m'autorise à une petite digression sur le sujet.

Un nageur qui se déplace dans l'eau affronte plusieurs forces, principalement la viscosité et l'inertie de l'eau. La viscosité se définit comme le quotient entre les efforts fournis pour déformer une unité de volume de liquide et le taux de déformation dudit élément. Une autre façon de l'exprimer est le rapport entre l'effort nécessaire pour établir une différence de vitesse sur une certaine distance, et ce gradient de vitesse. Dans le cas de l'eau, c'est une valeur extrêmement faible, 1 mPa.s, plusieurs ordres de grandeur plus petite que n'importe quel autre fluide usuel.

L'inertie, elle, vient de la difficulté à mettre en mouvement un élément de fluide à cause de sa masse. Elle dépend de la masse volumique du liquide, 1000 kg/m3, et surtout de la vitesse que l'on veut lui imprimer (100m en 47,5s, soit 2,1 m/s).

Une des premières choses à faire devant un problème de mécanique des fluides est de déterminer laquelle de ces forces est prépondérante. Pour cela, on calcule un ordre de grandeur de chaque effet (on les évalue "à la louche", pour ainsi dire), et l'on fait le quotient des deux. Cela donne un nombre sans dimension (une force divisée par une force donne un résultat sans unité) appelé le nombre de Reynolds, Re.

Re = effets inertiels / effets visqueux = masse volumique du fluide * vitesse caractéristique du problème * dimension caractéristique / viscosité du fluide

Il mélange donc ordres de grandeur expérimentaux et propriétés du fluide. Si l'on considère que la dimension caractéristique du problème est la taille du M. Alain Bernard, un joli bébé de 2m, cela donne :

Re = 1000 * 0,21 * 2 / 0.001 = 40 000

L'inertie est donc largement prépondérante face à la viscosité. Alors, pourquoi s'embête-t-on avec cette dernière ? Le calcul précédent est un approximation, et au contact de la peau ou de la combinaison du nageur, l'eau "accroche" - on dit qu'il y a une condition de non-glissement. En terme de mécanique des fluides, cela se traduit par une "couche limite" où la viscosité domine, très fine.

C'est sur la stabilité de cette couche limite que beaucoup d'ingénieurs en aéronautique travaillent, pour limiter la consommation en carburant des avions de ligne, et pour améliorer la manoeuvrabilité des avions militaires. En effet, elle est primordiale pour établir la portance et réduire la traînée des avions. Tout est bon pour cela, du revêtement texturé en peau de requin aux winglets en bout d'aile. Les bateaux et sous-marins, eux, utilisent une technique inspirée du mucus des dauphins, avec des polymères injectés dans le flux de l'eau pour le stabilisé.

Fin de la digression. Dans le cas d'Alain Bernard et de la combinaison LZR, la technique choisie est différente. La combinaison, tout d'abord, sert au corps, ce qui réduit l'imbibation d'eau, et optimise la forme du corps. Elle est aussi couverte, à certains endroits, de matériau hydrophobe (qui repousse l'eau), ce qui annule la condition de non-glissement dont je parlais plus haut. L'eau glisse sur le materiau, ce qui réduit le gradient de vitesse, et donc les efforts visqueux. Les coutures ont été supprimées, au profit d'un assemblage par ultra-sons (une soudure, pourrait-on dire), ce qui réduit les endroits ou l'eau pourrait accrocher. Au total, Speedo prétend réduire la traînée de 10% par rapport à leur combinaison précédente.

D'après le blog The Science of Sports, ce dernier effet serait négligeable par rapport aux autres effets, l'amélioration de la posture et de la forme du corps étant les plus importants. Mais qu'importe, n'est ce pas, si cela nous a donné l'occasion de discuter un peu, non ?

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