Penseur

mercredi, avril 25, 2007

Encore un peu d'astronomie

Revenons un instant sur le billet d'hier, et le joli panorama spatial d'Hubble. D'après le site HubbleSite d'où est tiré la photo, il s'agit d'une mosaïque de 48 images prises par Hubble. Ce panorama fait 50 années-lumières de large : la lumière, voyageant à 300 000 km par seconde, met 53 ans pour le traverser. Ce que nous voyons est la Nébuleuse Carina, à 7500 années-lumières de la Terre : la scène date donc de 7500 ans dans notre référentiel. Comme une bonne part de l'imagerie spatiale, elle est réalisée en analysant la raie à 21cm de l'hydrogène. Il s'agit d'une fréquence du spectre d'émission de l'hydrogène neutre, très utile car caractéristique de l'hydrogène, très abondant dans l'espace, et très rare sur Terre. C'est une radiation qui voyage très bien, sans trop de dispersion, dans le domaine des radio-fréquences. La dispersion de l'onde reçue permet de déduire la distance parcourue. En mesurant d'autres fréquences, il est possible de trouver différentes espèces chimiques. Ainsi, sur le tableau ci-contre, grâce aux données complémentaires de l'observatoire de Cerro Tololo au Chili, il a été possible d'identifier d'autres atomes : le rouge correspond au soufre, le vert à l'hydrogène, et le bleu à l'oxygène.

Autre nouvelle astronomique dont la distance à son soleil (une naine rouge, peu lumineuse) est telle que la température devrait être comprise entre 0 et 40°C. De quoi, bien sûr, susciter des espoirs d'eau liquide et donc de vie ! Au passage, on conteste parfois ce tropisme du jour, des astronomes de l'Observatoire Austral Européen (ESO) à La Silla au Chili ont annoncé avoir trouvé, à 20 années-lumières de la Terre, une exoplanèteanthropocentrique qui fait que l'on cherche toujours de l'eau comme signe de vie, au risque de passer à côté, peut-être, de formes de vie plus "exotiques". Il semble toutefois raisonnable de chercher dans la direction de formes de vie basées sur des briques chimiques se combinant entre elles, réactions qui ne peuvent se passer à un rythme suffisant à l'état solide, et de façon reproductible et stable, ce qui exclut l'état gazeux. L'eau a aussi cet intérêt de dissocier les ions, ce qui augmente d'autant les possibilités chimiques, et donc les chances que la vie apparaisse. Elle partage cette propriété avec quelques liquides polaires, comme le méthanol, mais pas avec le méthane dont que l'on trouve par exemple sur Titan. De plus, l'eau reste liquide jusqu'à une température raisonnable, quand beaucoup d'autres ont besoin de températures bien plus basses, ce qui freine les réactions chimiques.

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mardi, avril 24, 2007

Encore un tableau de maître

A certains moments, la science peut vraiment être merveilleuse. Universellement. Bien sûr, quand on est plongé dedans, et que soudainement une série d'équations ou d'expérience prend sens, la découverte a sa propre beauté, qui rejouit l'intellect. Mais c'est une beauté souvent très intérieure, difficile à partager, un peu geek. Il reste, cependant, quelques prises de vue magnifiques, qui révèle autant l'artiste que le scientifique. A moins que la beauté ne soit déjà là, préalablement, et que le chercheur ne soit qu'un révélateur ?

Quoi qu'il en soit, après l'insecte qui se prenait pour Matisse, voilà Hubble peignant une aquarelle.

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lundi, avril 23, 2007

Un nouveau c@fetier nous rejoint

El Jj, de l'excellent blog Choux Romanesco, Vache qui Rit et Integrales Curvilignes, nous fait l'honneur de nous rejoindre dans le C@fé des Sciences. Je suis très content qu'un blogueur mathématicien nous rejoigne, cela manquait un peu dans le c@fé. Si vous n'avez pas encore visité son site, je vous le conseille : comme le titre du blog pouvait le suggérer, les sujets abordés sont traités de façon originale. Entre autres révélations fracassantes, vous apprendrez que les routes ne sont pas plates que parce que les roues sont rondes, ce serait trop simple, que le laçage de chaussures utilisant le plus de fil est le laçage diabolique, et qu'il serait optimal d'inventer une pièce de 4 centimes d'euros. Cela faisait longtemps que je n'avais pas découvert un blog aussi intéressant !

Donc voilà, c'est par là.

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mercredi, avril 18, 2007

Photosynthèse

Depuis quelques jours, on peut lire des articles parlant des recherches sur la photosynthèse menées par l'équipe de Gregory Engel à Berkeley. La photosynthèse y est généreusement qualifiée de "réaction chimique la plus importante sur Terre", ce qui est certainement une phrase pour accrocher l'intérêt journalistique, mais j'avoue ne pas avoir trouvé de contre-exemples. Il s'agit tout de même de la première étape du plus important des écosystèmes de la planète, celui basé sur l'énergie du soleil !
L'équipe pense avoir expliqué comment, par un phénomène purement quantique, les chloroplastes présentes dans les plantes et les algues concentrent l'énergie des radiations lumineuses du soleil en énergie chimique.

Jusqu'à présent, on envisageait ce processus comme une "cascade" d'excitations électroniques, que l'on peut représenter comme un entonnoir. Il faut imaginer cet entonnoir comme étant l'énergie des molécules : plus elles sont basses en énergie, plus elles sont difficiles à exciter. Tout en haut de l'entonnoir, les molécules les plus nombreuses (les pigments, en particulier la chlorophylle) sont exposées au soleil, comme une antenne collectrice. Les rayons lumineux n'ont pas beaucoup d'énergie, et réussissent tout juste à exciter un de leurs électrons. Ces molécules déchargent ensuite leur énergie dans une molécule un peu plus bas dans l'entonnoir (c'est-à-dire initialement un peu plus basse en énergie) : cette dernière est alors excitée, avec une énergie plus grande que celle des radiations initiales. Et, ainsi de suite, jusqu'en bas de l'entonnoir, avec une énergie de plus en plus concentrée, jusqu'à atteindre un niveau suffisant pour briser la molécule de dioxyde de carbone, la brique des molécules carbonées indispensables à la vie.

Sans cette cascade d'étapes intermédiaires, l'utilisation d'une faible radiation pour franchir une large barrière d'énergie n'aurait qu'un très, très faible rendement. Cependant, ce mécanisme explicatif reste encore insatisfaisant, car les étapes où l'énergie se transmet sont aléatoires, avec uniquement un biais de probabilité vers les régions d'énergie plus basse. Le processus total devrait donc prendre plus de temps, dissiper plus de chaleur, et donc avoir un moins bon rendement, que ce qui se passe en réalité.

Engel propose donc un autre mécanisme, où les électrons seraient délocalisés sur l'ensemble de l'entonnoir, et choisiraient immédiatement le chemin le plus pentu, les conduisant au fond du puits d'énergie. Il pense avoir observé une vague électronique cohérente avec un laser femtoseconde : les électrons "s'étaleraient" dans toutes les directions et se "résoudraient" à l'endroit ou l'énergie est la plus basse. Pour le dire autrement, les électrons seraient capables de tester tous les chemins d'énergie et de choisir le plus favorable. Un tel mécanisme expliquerait la rapidité et l'efficacité de la photosynthèse.

Je ne sais pas si je suis convaincu par cette explication. Je suis particulièrement gêné par l'analogie un peu facile qui est tirée avec l'ordinateur quantique, qui est peut-être très forte d'un point de vue marketing, mais qui ne m'éclaire pas beaucoup. Je note aussi que les critiques pointent du doigt le fait que ces mesures ont été faite à 77 degrés Kelvin, et qu'à cette température très basse, les phénomènes cohérents de ce genre sont certainement favorisés face à l'agitation thermique, sans que cela se passe nécessairement de la même façon à température ambiante...

Finissons sur un point positif : les travaux sur la photosynthèse ont, en plus de leur intérêt scientifique, des perspectives importantes dans le domaine de l'énergie. Des chimistes ont par exemple essayé, sur ce modèle, d'associer des dendrimères (des polymères de formes semi-sphérique) et des pigments pour jouer le rôle de l'entonnoir. Le dendrimère formerait comme une antenne capable de collecter l'énergie du soleil, et de la concentrer et de la décharger dans un pigment, qui pourrait créer des charges ioniques et donc, de l'électricité. Les modèles expérimentaux fonctionnent avec un bon rendement, mais les défis pratiques restent nombreux avant de produire des panneaux solaires basés sur ce système.

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Une grande avancée dans la lutte contre le sida

Via le Monde, nous apprenons qu'une équipe a identifié le mécanisme permettant à des porteurs du sida de ne pas développer la maladie - en fait, de garder sous contrôle le nombre de virus dans le corps.

Habituellement, le virus infecte les lympochytes T de deux types, CD4 et CD8. Chez ces personnes, les cellules CD8 ne sont pas infectées, et sont capables de reconnaître et tuer les CD4 infectés. La publication est disponible ici pour les curieux - et on note au passage, cocorico, qu'il s'agit d'un labo français.

Article lapidaire ? Oui, et c'est que j'espère ainsi mettre la pression sur certains membres du c@fé des Sciences plus compétents que moi en biologie pour écrire un article explicatif sur la question ! Stay tuned...

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lundi, avril 16, 2007

Déterminisme génétique, chez Benjamin

Inutile de le nier : en ce moment, c'est très, très low blogging. En plus, j'ai quelques sujets qui me trottent dans la tête, mais quand je suis motivé, je n'ai pas le temps, et quand j'ai le temps, je me repose...

Mais heureusement, tout le monde n'est pas aussi paresseux que moi, et Benjamin a rebondi avec un billet très intelligent sur la polémique récente sur le déterminisme génétique. Il rappelle qu'il n'est pas impossible que certains facteurs génétiques conduisent effectivement à des comportements que la société réprouve, quel que soit l'état actuel de la science sur ces sujets. Cependant, le point central est de souligner que l'éthique, qui préside l'action politique, doit avoir une certaine indépendance vis-à-vis de la science. Insistons encore et toujours sur le fait que l'Homme est capable de dépasser ses prédispositions génétiques, et que nul ne doit être jugé sur ces dernières...

Donc, courez lire son billet, et commentez-le !

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jeudi, avril 12, 2007

Comment faire une bonne présentation - 2

Le titre de ce billet est directement destiné à augmenter le nombre de visiteurs journaliers sur ce blog - en effet, la requête "comment faire une bonne présentation powerpoint" est l'une de celles qui mènent le plus souvent sur ce blog. Je n'ose imaginer le résultat pour ceux de ces visiteurs qui ont suivi les conseils du billet correspondant.

J'ai donc le plaisir, aujourd'hui, de compléter ces conseils par un petit jeu : le Bingo de PhDComics. La prochaine fois que vous assisterez à une conférence scientifique, amusez-vous à remplir cette grille - je crois que j'avais presque le bingo aux trois derniers séminaires auxquels j'ai assisté.

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vendredi, avril 06, 2007

Un alliage plus dur que le diamant

Un article intéressant, pour une fois, dans le Physics Today d'avril, sur un nouvel alliage, plus dur que le diamant.

Pour souligner le côté exceptionnel de la chose, je veux commencer par expliquer un peu ce qu'est un alliage, et comment se caractérisent habituellement ses propriétés. Un alliage est un matériau composite, c'est-à-dire composé d'au moins deux matériaux "purs" initiaux. Chacun de ces matériaux est présent sous la forme d'inclusion, à plus ou moins grande échelle. Dans la limite d'inclusions de taille atomique, l'alliage est dit homogène, mais ce cas est relativement rare pour des concentrations dépassant quelques pourcents. Dans la plupart des cas, on peut distinguer des zones de tailles microscopiques des différentes phases. Dans le cas d'un alliage métallique, par exemple, il peut s'agir de cristaux dans lesquels un des deux matériaux initiaux est présent en concentration plus grande.

L'intérêt de mélanger plusieurs matériaux est souvent d'obtenir le "beurre et l'argent du beurre", c'est-à-dire avoir le meilleur des propriétés de chacun d'entre eux. Par exemple, inclure dans un matériau rigide mais cassant des éléments plus mous permet d'accroître la résistance aux chocs : une fracture qui se propage dans les zones fragiles est ralentie en arrivant dans une zone plus plastique. Cependant, ces améliorations sont limitées par un théorème assez "évident" qui peut se formuler de la façon suivante : un alliage n'est pas aussi dur que le matériau le plus dur, ni aussi résistant que le matériau le plus résistant. C'est une sorte de mélange : on obtient pas de l'eau à 100°C en mélangeant de l'eau à 30°C et de l'eau à 50°C, n'est-ce pas ?

Et bien justement, une équipe du Wisconsin a réussi à contourner les hypothèses de ce théorème en utilisant des matériaux de raideur négative. L'équipe de Roderic Lakes s'était déjà illustrée dans le domaine des propriétés contre-intuitives en créant des objets à coefficient de Poisson négatif, c'est-à-dire des objets qui s'élargissent quand on les étire. Par matériau à raideur négative, il faut entendre un objet qui s'étire au lieu de se comprimer quand on appuie dessus : étonnant, non ? Ce genre de comportement est assez rare, et se rencontre dans des phases instables de certaines cristaux. La technique employée consiste à piéger cette phase instable lors du refroidissement de l'alliage, en contrôlant les proportions et la vitesse de refroidissement.

Ces inclusions de raideur négative donnent naissance à un matériau composite extrème, c'est-à-dire dont les propriétés dépassent celles de chacun de ses composants. Quand un objet fait de ce composite est tordue, les inclusions se comportent de manière opposée à celle de la matrice qui les entoure, annulant ainsi une partie de la déformation. La rigidité moyenne obtenue est extrèmement grande, plus encore que celle du diamant, le matériau naturel le plus rigide. Les applications sont envisagées dans les senseurs, les amortisseurs, les transducteurs, en plus de l'intérêt évident des industriels pour des éléments structurels très rigides.

Je finirais avec les limitations de cette innovation. Tout d'abord, il s'agit d'une propriété moyenne à large échelle : il ne sera pas possible de surclasser les pointes de diamants dans le domaine de la gravure, ou de la poudre de diamant pour l'abrasion et le polissage. Ensuite, les inclusions sont dans un état métastable, ce qui signifie que la qualité pourrait se dégrader avec le nombre de cycle de compression/extension.

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lundi, avril 02, 2007

Une solution gâchée

Dans le domaine de la lutte contre l'effet de serre, il y a plusieurs catégories de solutions : les utopistes irréalistes, qui parlent d'un monde sans voiture, celles qui veulent le beurre et l'argent du beurre (l'arrêt du nucléaire) en prônant les énergies renouvelables, les responsables, qui mettent l'accent sur la responsabilité de chacun, et enfin, les pragmatiques, qui comptent sur des incitations économiques pour stimuler la création et la diffusion de technologies moins polluantes.

Parmi ces dernières solutions, qui regroupent diverses idées de taxes et de subventions, celle qui est préconisée par les économistes est l'idée d'une bourse aux émissions de CO2. En échangeant des "droits à polluer", les entreprises fixent d'elles-mêmes le prix d'une "taxe idéale", qui serait au niveau idéal choisi par un législateur omniscient. A ce prix, les entreprises sont incitées de façon optimales à investir dans la recherche ou dans l'installation de technologies moins polluantes ou moins consommatrices, avec l'effet minimal sur l'économie. Tout va pour le mieux ? Non, car il est nécessaire d'initialiser le système en distribuant à chaque entreprise un certain nombre de droits à polluer, qui doit être le niveau antérieur d'émissions, moins le pourcentage de réduction qui est visé.

Le problème est que dans ce système (presque) idéal, adopté par l'Union Européenne, chaque entreprise est incitée à déclarer plus que son niveau d'émission réel, pour avoir le maximum de permis à polluer, et chaque état est poussé à gonfler les chiffres pour favoriser son industrie aux dépends de ses concurrents. En effet, qui sait si, en étant honnête, on ne sera pas défavorisé en cas d'exagération des autres pays ?

Le résultat est là : pour la deuxième fois, la bourse européenne du carbone s'effondre, à cause de niveau trop élevés d'autorisations. Et voilà comme la meilleure idée à ce jour pour lutter contre le réchauffement climatique est gâchée...

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dimanche, avril 01, 2007

Voir la Terre dans le passé

Brève note sur une percée technologique majeure (via Technoweb) : il est possible, grâce à des miroirs gravitationnels, de voir la Terre dans le passé (ou, au moins, d'écouter de vieilles émissions de télé et autres communications hertziennes). Une image vaut mieux qu'un long discours, je copie donc ici leur schéma explicatif.

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Cochons d'américains

Via Physicsweb, j'apprends que le Large Hadron Collider, le fameux LHC en construction à Genève, fait face à un nouveau problème. Après les retards, les surcoûts, les hypothétiques blips du Boson de Higgs (le graal de la physique moderne, objectif principal du LHC) chez ses concurrents du FermiLab américain, voilà maintenant que les tests préliminaires à sa mise en route ont échoués.

Les tests en question consistaient à tester les conditions extrêmes (mais pas si rares) auxquelles les aimants qui guident la course des particules pourraient être confrontés. Il peut s'agir, par exemple, de la perte de contrôle du faisceau, qui frappe alors un des aimants : ce dernier est soudainement soumis à des efforts mécaniques et thermiques importants. Lorsque ces tests ont été réalisés "grandeur nature", les aimants se sont fracturés ! Plus étonnant encore, ces tests n'avait pas été conduits durant le cycle de développement de ces pièces, qui a tout de même commencé en 1998.

Et, évidement, qui était chargé de créer ces pièces ? Le FermiLab ! Ach, Sabotach !

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