Les gaz et pour les liquides s’écoulent, plus ou moins vite en fonction de leur viscosité, à la moindre force ou pression exercée sur eux. La seule question pour ces fluides est de savoir s’ils le font d’une manière régulière ou turbulente. Les gaz, par ailleurs, se distinguent des liquides par leur caractère compressible.
Les solides, eux, répondent à la pression en se déformant. Si le matériau reprend sa forme initiale quand il est relâché, il est élastique : la force nécessaire augmente avec la déformation. Si la force nécessaire est relativement constante, et si le matériau n’a pas tendance à reprendre sa forme, il est plastique. Ils peuvent, enfin, être fragile, et casser quand la force atteint un certain seuil. La plupart des solides sont élastiques à petites déformations, et sont ensuite plastiques ou fragiles.
Cependant, il existe un certain nombre d’états de la matière qui n’entrent pas dans cette classification, et qui font, pourtant, partie de notre vie de tous les jours.
Entre les solides et les liquides, on trouve par exemple ce que l’on appelle des fluides à seuils. En dessous d’une certaine force critique, ils se comportent comme des solides, et au dessus de cette limite, ils fluent comme des liquides. Des exemples ? Ketchup, mayonnaise ou Nutella pour la cuisine, dentifrice et crèmes dans la salle de bain, produits utilisés dans l’extraction pétrolière, certaines argiles en géologie…
Toujours entre liquides et solides, les polymères, composant des plastiques ou des caoutchoucs, ont eux aussi un comportement intéressant. J’en avais déjà parlé ici : tout est une question de temps. Ou de température, d’ailleurs, les deux notions étant équivalentes. Prenez un objet en plastique quelconque pas trop solide, et essayez de le déformer. Le résultat sera à peu de choses près le même si
- vous tirez vite et fort,
- ou moins fort mais pendant plus longtemps,
- ou moins fort, pendant la même durée, mais au-dessus d’une plaque chauffante.
La rigidité d’un matériau polymère « solide » ou la fluidité d’un plastique « fondu » sont donc des notions toutes relatives. A temps long et au chaud, les deux sont fluides, et à temps courts ou au froid, les deux sont solides.
Entre liquide et gaz existent les mousses. Une mousse est un assemblage subtil, dans lequel un fin dôme de liquide est maintenu dans l’air. Habituellement, la tension superficielle (qui représente au niveau macroscopique l’attraction entre les molécules du liquide) tend à le faire s’effondrer, c’est pourquoi la fabrication d’une mousse nécessite le plus souvent l’emploi d’un composé chimique intermédiaire appelé surfactant ou tensioactif, qui se place à la surface du liquide et annule presque sa tension de surface. Dans la vie de tous les jours, il s’agit tout simplement d’un savon ou d’un détergent.
Il est absolument remarquable que l’alliance de deux fluides, air et eau, puisse donner en présence de savon un composé similaire à un solide, dont on peut mesurer des propriétés mécaniques comme l’élasticité. Par ailleurs, les mousses évoluent dans le temps, l’évaporation du gaz à travers la paroi provoquant la coalescence des bulles. Une application intéressante du phénomène est que la Guinness est servie sous pression avec de l’azote, à la différence de la majorité des autres bières qui utilisent du dioxyde de carbone. L’azote diffuse plus lentement à travers l’eau, donc la mousse de
Finissons en beauté avec l’intersection entre solide et gaz, les aérogels, dont j’avais parlé ici. Ces structures, qui résultent du séchage de gels habituels dans des conditions supercritiques, ont des propriétés[1] absolument fantastiques. Il s’agit des meilleurs isolants thermiques et acoustiques connus, ils peuvent supporter plusieurs milliers de fois leur poids en compression bien qu’ils aient une densité à peine supérieure à celle de l’air, et qu’ils sont tellement friables qu’ils servent à récolter des poussières spatiales. Il semble aussi qu’ils fassent partie des matériaux les plus chers du monde au gramme.
Et que pourrait-il y avoir à l’intersection du gaz, du liquide ET du solide ?
[1] Toutes ces propriétés, bien entendu, sont des approximations d’ordre général, puisqu’il existe des aérogels basés sur des composés chimiques très différents, silice, carbone, et même blanc d’œuf !
5 commentaires:
et les plasmas ?
et les condensats de bose-einstein ? et les fluides granulaires ? et les colloïdes ?
J'ai du faire des choix déchirants.
ouais, plein de matiere (sic) pour le prochain post...
ca dechire !
Quelle est la différence entre des fluides à seuil et une émulsion? 2 fluides à seuil peuvent former une émulsion? En passant, merci pour l'article qui me replonge dans mes cours de chimie-physique sur la thermodynamique et les états de la matière! Pour ce qui est de l'intersection gaz/liquide/solide, c'est le point triple non? Mais ce que ça donne... ?
@atomicjonas : un fluide à seuil est défini par ses propriétés mécaniques : rigide en dessous d'un certain niveau de contrainte, fluide au delà. Un emulsion est définie de facon physico-chimique : c'est un mélange de deux fluides non miscibles, l'un formant une suspension de gouttelettes dans l'autre. Les deux peuvent se être compatibles (mayonnaise) ou non (vinaigrette), tout dépend des proportions.
2 fluides à seuils qui forment une emulsion ? je ne connais pas... souvent un fluide à seuil n'est pas un fluide "pur", il ne faut pas se mélanger.
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