Penseur

samedi, novembre 18, 2006

Dawkins : Le gène égoïste. (3) : Altruisme et égoïsme

Nous voilà maintenant arrivés au cœur du livre de Richard Dawkins, le Gène égoïste. Souvenez-vous, la première étape avait été de justifier la sélection par le gène au dépend de la sélection par le groupe ou par l’individu, et la deuxième avait été de présenter comment les premiers gènes avaient pu se constituer, et mener à l’émergence de la vie. Tom Roud nous avait conduits à faire un petit détour pour approfondir cette question, et avait ensuite proposé un exemple de « gène égoïste »[1].

Il me donne ainsi une transition parfaite vers le sujet de ce billet, qui est la présentation de l’égoïsme et de l’altruisme selon Richard[2].

Un grand nombre de thèmes autour de ce sujet sont abordés, et je n’essaierai même pas de tous les résumer. Il s’agit, dans la plupart des cas, de montrer que ce qui peut passer pour de l’altruisme d’un point de vue « sélection par le groupe » n’est qu’un témoignage de l’égoïsme d’un gène : il s’est sacrifié pour le bien du groupe devient le gène qui pilote ce comportement est efficace car le sacrifice d’une copie de lui-même permet la survie d’un grand nombre d’autres copies.

La déconstruction de notre façon de voir le monde est brutale. Influencé par notre conscience anthropique, nous voyons de la générosité dans le nettoyage mutuel des oiseaux et des singes, et du sacrifice désintéressé dans l’amour d’une mère pour ses petits ou dans le sacrifice d’une abeille qui meure l’abdomen déchiré après avoir piqué un intrus dans la ruche. Il ne s’agit pourtant que de stratégies optimisées de survie génétique.

Les chapitres consacrés aux relations entre sexes, entre frères et sœurs, entre parents et enfants, sont parmi les plus choquants du livre[3]. L’idée est la suivante : une mère partage la moitié de ses gènes avec ses enfants, de même qu’un frère vis-à-vis de sa sœur, des demi-frères ou des cousins germains ont un quart de leurs gènes en commun, de même qu’un petit-fils vis-à-vis de son grand-père. Dès lors, les gènes qui poussent à se sacrifier pour deux ou plus de ses frères, ou quatre ou plus de ses cousins germains, seront favorisés, alors que ceux qui poussent à se sacrifier pour sauver un seul d’entre eux sera statistiquement défavorisé dans la sélection naturelle. Dis comme cela, cela peut paraître brutal et très éloigné de la réalité, mais Richard affine cette théorie de l’altruisme en fonction du degré de proximité généalogique dans les différents chapitres, et prend en compte un grand nombre de paramètres : asymétrie de la relation parent/enfant, incertitude d’un enfant sur le fait que les autres jeunes sont ses frères ou ses demi-frères, caractère particulier de la génétique dans le cas des insectes sociaux, etc… Le tout est appuyé par des exemples précis tirés de la nature qui rendent le tout extrêmement convaincant : il est hors de question que je répète, en moins bien, tout ce qu’écrit Richard, mais sa théorie va par exemple jusqu’à expliquer pourquoi les reines-pondeuses des fourmis donnent naissance à trois femelles pour un mâle, sauf chez les espèces esclavagistes où il est de un pour un !

Une certaine catégorie de critiques et d’incompréhension peut venir du fait que 1) l’amour maternel ou fraternel nous semble trop pur et trop bon pour être expliqué crûment par le fonctionnement des gènes et 2) que nous sommes souvent égoïstes vis-à-vis de nos proches, et altruistes vis-à-vis d’inconnus dont nous ne partageons aucun gène.

Il ne faut pas, tout d’abord, pécher par excès d’anthropomorphisme, tout d’abord, et bien reconnaître que notre espèce est une exception. Dans la plupart des espèces animales, les gènes donnent des ordres du genre « corps, si la situation est la suivante, réagis de telle façon ». Dans notre cas, la « stratégie » de nos gènes a été de développer nos capacités d’abstraction, d’imagination, d’adaptation, et de nous donner l’ordre « corps, fais-ce que tu veux », en ne nous guidant que par quelques principes hormonaux, faim, libido ou instinct de survie par exemple. Richard compare nos gènes aux programmateurs de Deep Blue, l’ordinateur champion du monde d’échecs :

[…] La vie, tel un jeu d’échecs, offre trop d’éventualités pour que celles-ci puissent être toutes prévues. Comme les programmeurs d’échecs, les gènes ne fournissent aux machines à survie [c’est nous] que des données générales.

Nous avons donc notre libre-arbitre : la situation est ironiquement très analogue à celle des religieux qui expliquaient le mal sur Terre par le libre-arbitre, à la fois bénédiction et malédiction, accordé par Dieu aux hommes.


[1] Un exemple de gène égoïste donné par Richard, que je ne savais pas où placer dans mon billet : les gènes pilotant la sexualité. Après tout, les gènes « préfèreraient » être dupliqués, comme dans la parthénogénèse des bactéries, plutôt que de n’avoir qu’une chance sur deux d’être transmis à l’enfant. Oui, mais la reproduction sexuée est le meilleur moyen de propager les gènes… de la reproduction sexuée ! Un joli exemple de « hacking ».

[2] Je vous rappelle qu’on se tutoie. Ca vaut aussi pour les commentaires, d’ailleurs : il faut bien choisir entre vouvoiement et tutoiement, si on mélange les deux c’est un peu bizarre. Alors voilà, j’ai tranché.

[3] Les chapitres consacrés aux « stratégies évolutivement stables » sont du plus haut intérêt, mais je n’en parlerai pas faute de temps. Il s’agit des situations type « dilemme du prisonnier », où le gain moyen d’une population qui s’entraide est supérieur à celui d’une population d’égoïste, mais où le gain d’un égoïste parmi les altruistes est encore plus grand. En se basant sur la théorie de la sélection par les gènes, il obtient des situations stables par le calcul ou des simulations, et les retrouve dans des observations animales.

13 commentaires:

Anonyme a dit…

"Nous avons donc notre libre-arbitre : la situation est ironiquement très analogue à celle des religieux qui expliquaient le mal sur Terre par le libre-arbitre, à la fois bénédiction et malédiction, accordé par Dieu aux hommes."

Si vous voulez dire par "libre arbitre" que l'être humain n'est pas totalement déterminé génétiquement, on ne peut que vous suivre. Mais si vous faites référence au concept philosophique, alors c'est contestable. Disons que nos comportements sont influencés à 40% par nos gènes. Le reste n'est pas du libre arbitre, mais simplement l'influence de facteurs environnementaux. Au total, la combinaison gènes + environnement me paraît déterminer à 100% la totalité des comportements de tous les êtres vivants, humains compris.

Matthieu a dit…

Non, ce que je veux dire, c'est tres exactement le contraire : que la somme des facteurs gènes+environnement n'atteint pas 100%. On apprend, par exemple, et cela modifie nos decisions. Et même si vous voulez aussi inclure l'apprentissage dans l'environnement, cela ne suffirait pas.

Anonyme a dit…

Je suis pour ma part tout à fait d'accord avec Xavier sur ce point du libre arbitre.

Nos actions sont conditionnées à la fois par notre codé génétique, par notre environnement, et la façon dont nous avons intégré, et continuons d'intégrer celui-ci dans nos comportements (ce sont nos apprentissages).

Si l'on devait considérer qu'il existe autre chose qui détermine nos actions, je ne vois pas ce que l'on pourrait invoquer d'autre que la magie (certains l'appeleraient probablement Dieu): l'âme, la conscience, les valeurs, etc. tout cela n'est que le résultat du traitement que notre cerveau fait des informations qu'il reçoit. Et ce traitement est lui aussi déterminé par nos gênes et par nos apprentissages (notamment les automatismes acquis dont j'ai parlé déjà sur mon blog)

Matthieu a dit…

Je suis honnetement tres surpris de votre accord sur le fait que nous soyons des robots sans libre-arbitre. Je serais interessé si vous pouviez developper vos arguments, j'aimerais bien faire un billet sur ce thème qui les reprennent.

Meme Richard Dawkins, plutot dans la categorie extreme, ne va pas jusqu'a un tel degré de reductionnisme, et prend bien en compte les effets de la complexité : des phenomenes irreductibles à l'echelle du gène et du neurone apparaissent dans le cerveau. Le pari de nos gènes a été de nous donner un pouvoir de décision, nous permettant certes de réagir à notre environnement efficacement, mais aussi de les trahir. Ce qui arrive à chaque fois que l'on utilise un moyen de contraception, rappelle Dawkins. On a toujours le choix : ni les gènes ni l'environnement/éducation ne remplace le libre-arbitre du violeur ou de l'assassin.

Et quid du fonctionnement parfois aléatoire de certains groupes de neurones, peut-etre à l'origine de phénomènes divers appelés intuition, éclair de génie, inspiration ? C'est leur existence, pas leur résultat, qui est le fruit des gènes, et l'environnement n'y est pas relié, ou de façon limitée.

Non vraiment, j'aimerais savoir si vous pensez vraiment ce que vous dites quand vous affirmez que l'hérédité et l'environnement suffisent à nous définir. Quid des vrais jumeaux élevés dans la même famille, by the way ?

Anonyme a dit…

Le billet que j'ai écris sur les automatisme (que j'ai intitulé automatismes acquis mes chéris) vous apportera quelques éléments de réponse.

Je reviendrai toutefois sur ce point prochainement.

Pour faire court, concernant les vrais jumeaux, qui sont à mon avis un très bon exemple: précisément, ceux-ci indiquent bien la limite du raisonnement du "tout génétique". Il n'existe pas de paire de vrais jumeaux qui agissent en tout de façon identique, qui développent les mêmes modes de pensée, etc. Qu'est-ce qui fait cette différenciation, puisque ce ne sont pas leurs gênes? Ce sont leur éducation, terme que j'utilise au sens large, c'est-à-dire la combinaison complète de leurs expériences (jusqu'aux plus infimes de celles-ci). Ont-ils choisis de vivre ces expériences? Il n'est pas interdit de penser que non: que ce qui fait qu'ils ont vécu telle expérience plus que telle autre, vient de l'engrammation que leur cerveau a fait des expériences précédentes, et des stratégies de réenforcement (répétition de l'action gratifiante et évitement de l'expérience désagréable) qu'ils ont mis au point suite à ces expériences. Mais ces "choix", ces orientations qu'ils font ne sont rien d'autres que le fruit de leur biologie, du potentiel génétique que le cerveau aura su exploiter en fonction des expériences, facteurs externes, qu'il aura vécu.

Une référence de philo si vous voulez aborder cette question sous un autre angle de vue: l'essai sur le libre arbitre de Schopenhauer. Qui va plutôt dans le sens d'absence de libre arbitre. (d'ailleurs, je crois que l'essentiel de la philosophie a plutôt été très critique vis-à-vis de la question du libre arbitre)

Matthieu a dit…

Vous proposez, en quelque sorte, qu'à l'inné (les instincts) s'ajoute l'acquis (les expériences, y compris les plus infimes, qui distinguent les deux vrais jumeaux).

Ce n'est pas faux, bien sûr, mais d'une part je ne pense pas que le cerveau enregistre la moindre expérience, et d'autre part je suis de toute facon pas d'accord avec l'idée selon laquelle nos réactions sont entierement conditionnées par notre histoire anterieure.

Evidement, tester cette hypothèse est impossible : il n'est pas possible de faire soi-meme deux fois le meme test (une expérience de décision), puisque la premiere tentative pourrait influencer la deuxième, et a fortiori comparer deux personnes face au même test de décision n'aurait pas de sens.

Neanmoins, je voudrais souligner que les regles qui impliquent cet apprentissage devraient etre contenues, forcément, dans les gènes : "si ca brule, ne t'en approche plus, dans l'avenir", par exemple. Or, ces règles comportementales sont justement ce que l'évolution a eu tendance à faire disparaitre chez l'homme, pour laisser plus de place à son évaluation autonome de la situation. "si ca brule mais que c'est une cérémonie rituelle qui te permet de consolider ta place dans la tribu, alors c'est bien" J'ai pris le premier exemple qui m'est passé par la tête, mais il me semble évident que ni les gènes, ni les expériences passées de brulures ne suggéreraient dans ce cas d'accepter la brûlure, et pourtant, l'individu aurait raison de le faire.

Benoit Schmaltz a dit…

Cher Mathieu,

votre dernier exemple démontrer votre mode de pensée.

Si je vous suis bien en ayant un peu exploré votre blog aujourd'hui.

Vous êtes d'accord pour dire qu'un cerveau humain est : génétique, puis épigénétique, puis culturel (cf Changeux, l'homme de vérité notamment).

Je rejoins un intervenant pour vous renvoyer à Schopenhauer et son essai sur le libre arbitre (à relativiser quand même, ce n'est pas de la neurologie même si c'est excellent).

Donc vous dîtes que ce brave tribal n'est déterminé ni par les gênes ni par les expériences ?

Mais alors quoi ?

Pourquoi son cerveau produit-il cette décision ? (cf deux systèmes de décisions dans le cerveau, princeton). Dans une situation habituelle il ne le ferait pas c'est vrai. Mais là il le fait pour entrer dans la tribu. Il recherche donc une récompense à long terme au lieu d'à court terme.

Et il fait parce que son environnement socio-culturel le détermine à avoir cette attitude ?

Pour conclure, quand vous dîtes qu'on a un libre arbitre parce qu'on ne peut pas prévoir telle action, vous vous méprenez.

Ce qui est imprévisible n'est pas indéterminé. Je crois vous avoir entendu parlé de la théorie du chaos, ne commettez pas l'erreur de penser qu'il s'agit de système indéterminés. Non ce sont des équations déterministes mais où la très forte sensibilité aux conditions initiales vient rendre difficile voire impossible la prédiction exacte.

Les physiciens d'une certaine école ont voulu à ce point que l'homme soit libre qu'ils ont choisi leur théorie en fonction de cet impératif.

Borh a dit :"l'homme ne peut être que libre."

C'est pourquoi certains prennent la physique statistique pour ce qu'elle n'est pas. Ce n'est qu'un constat d'ignorance ou d'incapacité (le principe d'Heisenberg est de cette seconde catégorie). Pas un Salut qui vient nier le déterminisme absolu.

Rappelons que Laplace a écrit un traité sur les probabilités pour justifier son déterminisme absolu.

Si on se place dans une représentation absolu déterministe, alors point de libre arbitre.

J'irai plus loin, c'est le rebut qu'ont la plupart des gens et vous-même semble-t-il pour l'absence de libre arbitre qui vous pousse à ce sophisme.

Mais songez plutôt à ceci, que l'on soit réellement libre ou non, on croit l'être et avoir une volonté (même moi, et je suis sûr que les autres contradicteurs également).

Matthieu a dit…

Bonjour Benoit,

Sans vous faire offense, j'ai déjà vu ces arguments, donc mes réponses seront un peu convenues.

Je ne nie pas que nous soyons influencés par nos gènes et nos expériences, ce serait absurde. Je nie la détermination totale de nos décisions et actions à ces critères. Pour transformer votre expression, imprévisible mais biaisé.

Et je comprends parfaitement ce que vous dites de la théorie du chaos, simplement j'argumente que l'impossibilité de la prédiction exacte EST le libre arbitre. Surtout si vous y ajouter l'indetermination quantique dont vous parlez.

Pour finir je voudrais ajouter que la grille de lecture à l'échelle de la molécule ou du neurone n'est qu'un moyen d'argumenter de facon absolue, tres francaise, mais que ce n'est pas l'échelle pertinente. Tout comme des ordinateurs de marque différente peuvent faire tourner les memes logiciels, l'esprit ou la conscience humaine est partagée par des humains dont aucun cerveau n'est identique. La grille de lecture pertinente minimale est celle de sous-routines fonctionnant en parallele, construisant par leurs interactions l'esprit humain.

Benoit Schmaltz a dit…

L'impossibilité de prédiction exacte... j'avoue que si c'est ça le libre arbitre alors on peut revoir tout notre dictionnaire.

Mais qu'importe, votre définition, pour aussi étrange qu'elle soit, fait du libre arbitre une simple illusion.

Les causes sont cachées derrière un brouillard, chic, voilà le libre arbitre sauvé ! Je trouve le raisonne pour le moins spécieux et parfaitement inutile.

Enfin, je n'argumente pas qu'au niveau de la molécule ou du neuronne mais que sont vos "sous-routines fonctionnant en parralèle, construisant par leurs interactions l'esprit humain ?"

Pour moi l'esprit humain, c'est à dire la production des cellules impliquées, est formé :

- d'un ensemble génétique déterminé

- d'un ensemble épigénétiquement achevé

- et qui fonctionne dans un environnement culturel.

Il est évident que dans un cas normal, c'est le troisième qui a la part belle.

Et là nous nous trouvons en effet dans un schéma où il est difficile de prévoir avec exactitude ce qui sera produit, ce qu'un individu pensera, fera ou dira (encore que ça nous arrive bien souvent de voir juste, c'est tout l'art des jeux humains).

Mais votre libre arbitre n'en est pas un. Car nos penseés ne nous sont pas uniquement personnelles comme si notre cerveau vivait en espace clos.

Je peux avoir telle pensée à telle moment parce que je vois une affiche, quelqu'un, et je n'avais pas prévu de le voir. Nous étions pourtant déterminés à nous croiser.

Et d'avoir eu telle pensée va me faire de nouveau penser à autre chose... qu'évidemment je ne pouvais prévoir la veille... etc etc.

Cette ignorance, cette incapacité de prédiction sans lesquelles nous serions tous des génies laplaciens, c'est ce qui fait le charme de la vie comme le tour d'un magicien qui nous charme parce qu'on n'en connaît pas les ressorts... mais à l'instar de ceci où ce n'est pas de la magie, ce que vous avancez n'est pas le libre arbitre.

Nous sommes ce que nous avons vécu avec le corps qui nous a été donné... ce que nous avons vu, qui nous avons rencontré, ce que nous avons entendu, bref ce que nous avons appris. Et c'est cela le développement culturel du cerveau.

Matthieu a dit…

C'est amusant, je crois que je suis assez d'accord avec vous. Je n'ai pas reussi a formuler cela dans un sens qui vous convienne mais je crois que nous ne sommes pas d'opinions tres eloignees. Essayons de detailler ca.


Peut-etre me suis-je mal exprime, et je n'ai certainement pas insiste assez sur le role de "stimulation aleatoire" de l'environnement, mais je partage l'idee.

Ma definition du libre arbitre, qui vous semble si specieuse, est due au fait que je ne souhaite pas rentrer dans le debat de l'existence de l'ame. Pour certaines personnes l'alternative est uniquement entre une ame independante qui gouvernerait nos pensees (ou un homoncule cartesien, qui revient au meme) ou une machine deterministe, "predite" par ses genes, son histoire, et la somme de ses rencontres.

Ma these est que ce debat est depasse : nous sommes des machines a produire des decisions, soumis a un environnement et a des influences, certes, mais jamais de facon absolue. Nous sommes influences par nos genes, notre histoire et notre environnement, mais pas determines (qui voudrait dire predictible a 100%). C'est ce que je resume par etre imprevisible. Donnez votre definition du libre-arbitre si celle la ne vous plait pas, mais je crains que vous ne retombiez alors sur l'ame/homoncule.

Mais encore une fois, la bonne echelle de lecture est effectivement ce que vous appelez "developpement culturel". Je pense que vous parlez la d'un autre debat. Pour revenir a notre histoire d'homme de tribu qui accepte d'etre brule pour entrer dans la tribu, oui, il le fait pour raisons culturelles. Mais au dernier moment, il peut encore tout "envoyer bouler" et refuser la ceremonie rituelle.

Benoit Schmaltz a dit…

Je ne crains hélas que non, nous ne sommes pas du tout d'accord.

Et votre dernière le montre. Le "possible" appartient à l'irréel, seul l'existant est réel.

On peut tout autant dire qu'il peut tout envoyer bouler, qu'il peut avoir un anévrisme.

Ce qui importe c'est que ce qu'il aura fait sera le fruit de l'entremêlement de chaînes causales.

Votre jeu sémantique sur "influencer" ou "déterminer" me semble un combat effréné et d'arrière-garde, parfaitement inutile.

Si vous avez peur que dans un monde absolument déterminé jusqu'à nos moindre sentiments et pensées quelqu'un puisse tout prévoir et tout contrôler, alors soyez rassurés ! C'est en l'état parfaitement impossible.

Maintenant la grande erreur de quelqu'un qui est conscient de l'absolu détermination des phénomènes (c'est-à-dire l'absolutisme de la maxime il n'y a pas d'effet sans causes) est dire : c'était déterminé par CELA comme si on pouvait ajouter "et rien d'autre".

Il a des catégories de déterminismes ou de causes... mais de la manière que le mouvement de la boule de billard est déterminé par la qualité du tapis, le coup du joueur, son état d'alcoolémie et le point d'impact de la queue etc... autant de facteurs qui devraient vous donner raison et pourtant, quelle est la marge d'erreur d'un professionnel ?

Alors quoi, dans mon cas ce sera "influencé" parce que je suis incapable de prévoir où la boule ira ? Et dans son cas ça redevient déterminé...

Nous, c'est-à-dire l'activité cérébrale de notre cerveau, dépendons de très nombreux éléments mais qui tous appartiennent à un enchainement causal.

Encore une fois, vous faites un usage de l'aléatoire que je trouve quasi-magique.

Qu'est-ce que l'aléatoire ? C'est quand on ne SAIT PAS ce qui se passe exactement dans une situation qui peut produire plusieurs phénomènes et que du même coup on ne PEUT PAS prévoir avec exactitude ce qui va sortir.

C'est une situation de boîte noire.

On ne peut pas prévoir le temps qu'il fera dans un an jour pour jour. Allez-vous dire que ce n'est pas déterminé mais simplement influencé ?

Ce mot même d'influencé parce qu'il veut revenir sur le caractère absolu du déterminisme est incohérent à mon sens.

Anonyme a dit…

Bonjour,
particulièrement intéressé par le problème du déterminisme*, je suis heureux de lire votre discussion.
Je dois dire que je penche pour le raisonnement de Benoît : malgré que ce raisonnement puisse être "inconfortable" pour notre esprit humain (puisqu'il nous donne le sentiment de ne pas être libre), il me semble être celui qui a le courage de rester strictement rationnel. Cependant, votre point de désaccord pourrait presque se réduire à une question de vocabulaire (sur la définition exacte de la liberté d'un individu, qui dépend de l'échelle d'observation qu'on choisit), jusqu'à la fin du dernier post de Matthieu, ou tu me sembles faire une erreur, comme l'a relevé Benoît : en effet, que signifie "il peut encore tout "envoyer bouler" et refuser la ceremonie rituelle." ? Cela veut simplement dire que dans le champ des événements qui paraissent probables à un observateur humain (y compris le tribal en question),
cet observateur ne saura pas deviner avec certitude lequel des événements arrivera, mais pour autant, cela n'empêche pas de dire que celui qui arrivera sera tout simplement le seul qui pouvait arriver pour un observateur omniscient qui "connaitraît" toutes les données de l'univers.

*à ce propos, une deuxième question pour le moins fondamentale (et ou le vocabulaire tient aussi un rôle ...déterminant ) est celle de l'existence de Dieu, et je trouve qu'elle est traitée magistralement par Dawkins dans "The God Delusion", où son rationnalisme est réellement rafraîchissant. Je vous conseille vivement de lire ce livre, il me semble vraiment une lecture indispensable.

Anonyme a dit…

Je pense que l’homme n’est pas en mesure de démontrer s’il possède ou pas le libre arbitre mais il faut bien que l’on fonctionne en supposant de le posséder.
De même qu’un juge ne pourrait remplir sa fonction qu'en émettant un jugement à partir du postulat que chaque personne fait usage de son libre arbitre dont le degré dépend de sa culture, son influence familiale, ect….

En sommes, si on pouvait le démontrer ne ne sourions pas ici à en discuter.
Comment démontrer le libre arbitre puisque nous sommes observateur de nous même et en même temps observé?
Donc, le libre arbitrer est par essence métaphysique, frontière à partir de laquelle la science n'a plus rien à dire, car vouloir à tout prix démontrer qu'il existe ou pas, c’est tomber dans le piège du scientisme me semble t-il.

D’autre part, je pense que l’idée de ne pas possède de libre arbitre peut-être vécu comme une blessure narcissique.
L’acharnement à vouloir à tout prix démontrer l'existence du libre arbitre par le développement d'une stratégie mentale peut se traduire par le contrôle d’une névrose et donc d'un profonde angoisse existencielle.


P.S.

Dakwins s’acharne à vouloir démontrer scientifiquement l’inexistence de Dieu, dans ce cas il me parait clair qu'il est aussi naïf que celui qui tendent de démonter scientifiquement son existence.
Et oui même lui, se croit au dessus de la science.