Un article intéressant, pour une fois, dans le Physics Today d'avril, sur un nouvel alliage, plus dur que le diamant.
Pour souligner le côté exceptionnel de la chose, je veux commencer par expliquer un peu ce qu'est un alliage, et comment se caractérisent habituellement ses propriétés. Un alliage est un matériau composite, c'est-à-dire composé d'au moins deux matériaux "purs" initiaux. Chacun de ces matériaux est présent sous la forme d'inclusion, à plus ou moins grande échelle. Dans la limite d'inclusions de taille atomique, l'alliage est dit homogène, mais ce cas est relativement rare pour des concentrations dépassant quelques pourcents. Dans la plupart des cas, on peut distinguer des zones de tailles microscopiques des différentes phases. Dans le cas d'un alliage métallique, par exemple, il peut s'agir de cristaux dans lesquels un des deux matériaux initiaux est présent en concentration plus grande.
L'intérêt de mélanger plusieurs matériaux est souvent d'obtenir le "beurre et l'argent du beurre", c'est-à-dire avoir le meilleur des propriétés de chacun d'entre eux. Par exemple, inclure dans un matériau rigide mais cassant des éléments plus mous permet d'accroître la résistance aux chocs : une fracture qui se propage dans les zones fragiles est ralentie en arrivant dans une zone plus plastique. Cependant, ces améliorations sont limitées par un théorème assez "évident" qui peut se formuler de la façon suivante : un alliage n'est pas aussi dur que le matériau le plus dur, ni aussi résistant que le matériau le plus résistant. C'est une sorte de mélange : on obtient pas de l'eau à 100°C en mélangeant de l'eau à 30°C et de l'eau à 50°C, n'est-ce pas ?
Et bien justement, une équipe du Wisconsin a réussi à contourner les hypothèses de ce théorème en utilisant des matériaux de raideur négative. L'équipe de Roderic Lakes s'était déjà illustrée dans le domaine des propriétés contre-intuitives en créant des objets à coefficient de Poisson négatif, c'est-à-dire des objets qui s'élargissent quand on les étire. Par matériau à raideur négative, il faut entendre un objet qui s'étire au lieu de se comprimer quand on appuie dessus : étonnant, non ? Ce genre de comportement est assez rare, et se rencontre dans des phases instables de certaines cristaux. La technique employée consiste à piéger cette phase instable lors du refroidissement de l'alliage, en contrôlant les proportions et la vitesse de refroidissement.
Ces inclusions de raideur négative donnent naissance à un matériau composite extrème, c'est-à-dire dont les propriétés dépassent celles de chacun de ses composants. Quand un objet fait de ce composite est tordue, les inclusions se comportent de manière opposée à celle de la matrice qui les entoure, annulant ainsi une partie de la déformation. La rigidité moyenne obtenue est extrèmement grande, plus encore que celle du diamant, le matériau naturel le plus rigide. Les applications sont envisagées dans les senseurs, les amortisseurs, les transducteurs, en plus de l'intérêt évident des industriels pour des éléments structurels très rigides.
Je finirais avec les limitations de cette innovation. Tout d'abord, il s'agit d'une propriété moyenne à large échelle : il ne sera pas possible de surclasser les pointes de diamants dans le domaine de la gravure, ou de la poudre de diamant pour l'abrasion et le polissage. Ensuite, les inclusions sont dans un état métastable, ce qui signifie que la qualité pourrait se dégrader avec le nombre de cycle de compression/extension.
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