Penseur

vendredi, novembre 24, 2006

Neurospin


Ah, le voilà enfin ! Il y a deux ans, quand j’en avais entendu parler pour la première fois lors d’un séminaire de neuroscience, j’avais été assez enthousiasmé par le potentiel du projet. Il semble que les promesses ont été tenues. On dirait qu’en France, les projets scientifiques qui marchent le mieux sont ceux qui requièrent de grosses infrastructures – bizarre peut-être, mais on ne va pas s’en plaindre, pour le coup.

Je parle du projet Neurospin, visant à réaliser l’IRM neuronale la plus puissante du monde sur le plateau de Saclay. Au passage, cette zone mérite de plus en plus son statut de pôle mondial de compétitivité, un nom bien bureaucratique pour désigner une réalité assez enthousiasmante de concentration d’établissements d’enseignement supérieur et de centres de recherche académique et industrielle. Le Monde nous apprend que Neurospin a été inauguré aujourd’hui par Dominique de Villepin, ce qui, avec ITER la semaine dernière, fait deux bonnes nouvelles successives pour la science en général, et la recherche française en particulier[1].

L’IRM dite fonctionnelle, celle qui est utilisée dans l’étude du fonctionnement du cerveau, et qui ne sert pas directement au diagnostic médical, fonctionne de la façon suivante. En faisant osciller via un champ magnétique l’aimantation de la molécule d’hémoglobine présente dans le sang, et en récupérant le signal réémis par ces molécules, l’IRM permet de visualiser la répartition du sang dans le cerveau. En faisant l’hypothèse assez évidente que les neurones en activité ont besoin de plus d’oxygène et de nutriments, cette répartition du sang est reliée aisément aux zones en fonctionnement intense au moment de la mesure dans le cerveau. Si cette image est prise au moment où on demande à un sujet de réaliser une tâche simple (fermer le poing, suivre du regard un point lumineux mobile), il est alors possible de visualiser en direct les groupes de neurones impliqués dans cette fonction.

Des aimants plus puissants (on parle pour Neurospin d’aimants de 3, 7, et bientôt 11 Teslas, quand les scanners médicaux utilisent 1,5 Teslas) permettent d’améliorer la résolution spatiale et temporelle :

- la résolution spatiale est le grain de la photo : Neurospin sera capable de distinguer des paquets de milliers de neurones, contre des millions actuellement.

- La résolution temporelle est le temps nécessaire pour prendre une image. Améliorer cette résolution permet de visualiser l’évolution de l’activité du cerveau.

Le but de l’imagerie neuronale est de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau. Vous avez certainement entendu parler de la zone de la parole, de la zone de la vision, de la zone du toucher, de la bosse des maths[2], etc. Et bien, c’est exactement ça le but : visualiser les différentes zones du cerveau, comprendre leur rôle, saisir sur le vif leurs interactions. Ces interactions peuvent être à courte distance, par exemple organe des sens -> traitement du signal -> interprétation -> centre de décision. Elles peuvent aussi être à longue portée, par exemple via les cellules gliales, que l’on pensait jusqu’à présent uniquement nourricières[3], et qui semblent avoir un rôle bien plus important que cela.

Le cerveau est un organe fascinant, dont la complexité est encore loin d’être comprise, même grossièrement. J’ai hâte de voir les résultats des équipes travaillant à Neurospin !


[1] Et confirme ce que je disais plus haut, l’inclinaison du gouvernement français pour les projets de grande ampleur, avec une grosse infrastructure, sans doute parce que cela passe bien auprès des médias et du public. Centralisation, mon amour…

[2] Bon, peut-être pas la bosse des maths :-D

[3] Elles sont, détail amusant, extrêmement nombreuses dans le cerveau d’Albert Einstein, qui n’avait par contre pas plus de neurones que le premier pékin venu. Un signe ?

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