Penseur

vendredi, octobre 06, 2006

La question de Dieu, ou le collectif organisé


La question de l’existence et du rôle de Dieu et de la croyance semble être le hot topic de la semaine. Krystoff et Koz ont écrit deux très intéressants billets sur le sujet, que puis-je ajouter ? Mon expérience personnelle semble être assez différente des deux précédentes.



A une certaine époque où je faisais beaucoup de physique, Dieu représentait le "Oui, mais pourquoi... ?" qui se trouve à la fin de toute recherche fondamentale. La Nature fonctionne en fonction de lois, de principes, qui nous semblent naturels : minimum d'énergie, conservation, etc, etc. Oui, mais pourquoi ? Pourquoi ces règles et pas d’autres ? On se sent parfois l’âme d’un écrivain de SF, à imaginer des mondes parallèles où les lois fondamentales sont différentes. Quoiqu’il en soit, dans ce paradigme, Dieu apporte du sens à la compréhension du monde. Il est le concepteur qui fixe les règles, nous laissant le soin de les retrouver. C’est un Dieu light par rapport au Dieu Tout-Puissant, présent en toutes choses et en tous actes : c’est un Dieu qui se contente de fixer des principes et qui regarde les évènements se dérouler en fonction de ceux-ci, sans intervenir. C’est une façon de penser relativement répandue chez les scientifiques, d'ailleurs. Théoriser le Big Bang doit pousser aux réflexions mystiques, je pense.

Tout à changé pour moi quand je me suis intéressé aux sciences cognitives, à la psychologie, au fonctionnement du cerveau. Là, on se met vraiment à toucher du doigt que la conscience pourrait être (n'être que, diraient certains) un comportement collectif issu de la complexité d'un ensemble d'éléments simples. Je suis enthousiasmé par cette idée : n’y aurait-il pas de la beauté à ce que la conception du Moi émerge de processus élémentaires et d’un ensemble de règles simples ? J’aimerais que cette idée ne soit pas confondu avec du matérialisme réductionniste à l’ancienne, comme l’horloge de Descartes. La complexité d’un système fait émerger différents étages de processus. Ces étages ne sont certes pas indépendants, mais ce qui se passe à un étage donné ne peut absolument pas être réduit aux règles de l’étage inférieur.

Illustrons cela avec un autre exemple de la complexité.

- Les règles de la génétique sont indépendantes du fonctionnement de l’ADN, et pourraient être écrites sur un autre support : un programme informatique, par exemple.

- Le fonctionnement de l’ADN est indépendant de la nature chimique des nucléotides. Il pourrait fonctionner de la même façon avec n’importe quel jeu de bases hétérocomplémentaires ATGC.

Une illustration informatique, très simple, de cette idée peut être trouvée dans le Jeu de la Vie : les planeurs, canons, prédateurs et proie, cycle de vie et de mort, de cet automate cellulaire forment un niveau supérieur de complexité. Richard Dennett parle de tout cela bien mieux que moi… En tout cas, au fur et à mesure ou je creusais ces idées d’auto-organisation, d’évolution, et d’émergence de forme dans un système complexe, j’ai été vraiment pénétré par cette vision du monde. Une sorte de révélation mystique !

J’en suis revenu, du coup, à penser que la croyance en un Dieu (Tout-Puissant ou Arbitre) n’est qu’une solution de facilité. Krystoff écrit que la Foi recule quand la Raison avance, et Koz répond que dans ce cas, la Raison avance accompagnée de la Folie. Oui, sauf si l’on a une autre explication à l’absurdité du monde. L’émergence de formes sensées d’un bouillon de processus insensés en est une, pour moi, et très belle. Je continue, toutefois, à y réfléchir…

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Je comprends tout à fait cette approche !
Et en termes de "révélation mystique" je vous encourage vivement à lire "Le Gène Egoïste" de Richard Dawkins : sur ces mêmes prémices, les développements présentés sont vertigineux !

Anonyme a dit…

C'est la théorie du chaos.

Cela dit, ça reste quand même limité pour décrire notre monde tel qu'il est actuellement, lorsque l'on sait que notre planete n'a que 5 milliards d'années et notre univers 15. Dans un univers non limité, ça serait compréhensible mais dans le notre, c'est plus difficile.

La théorie du chaos peut être mise en forme grace aux probabilités qui n'exclut pas la présence de quelquechose qui nous est supérieur.

Anonyme a dit…

@Polydamas : le chiffre de 5 milliards d'années me semble devoir être multiplié par le nombre de planètes où l'expérience a été (est ?) menée, ce qui octroie quelques ordres de grandeur de plus.

Matthieu a dit…

@Yogi#1 : ce livre est fondamental, bien entendu (faudra que je me l'achète, un jour ;-) ). Vous avez raison de le citer, il est connecté au sujet, mais c'est surtout "Darwin est-il dangereux" de Denett qui m'a fait réfléchir sur le sujet.

@Polydamas : vous semblez meler deux choses, ce dont je parle ici et la fin de la discussion chez Krystoff. Je ne parle pas ici de la théorie du chaos, mais de la complexité. Il y a certes des connections mais ce n'est pas la meme chose.

Quand à l'apparition et l'évolution de la vie, vous semblez faire référence à la formule de Drake ? C'est un vieux serpent de mer : chaque parametre fait débat, et le resultat peut etre compris entre 1 planete porteuse de vie, la Terre, ou 1 milliard de planète. difficile d'en tirer argument.

Toutefois, je pense que l'étude de la formation des briques de la vie à partir d'éléments de la soupe primordiale des oceans terrestres n'est pas assez avancé pour se faire une certitude dans un sens ou dans l'autre. J'assume ma croyance que "cela a marché". Il y a pas mal d'éléments dans ce sens : les capsules lipidiques peuvent se former spontanement, comme des bulles de savon, les protéines peuvent s'assembler, etc...

Anonyme a dit…

Oui, assez d'accord avec votre vision. Ce n'est pas le monde qui est absurde, simplement notre petite vie ridicule. La finalité de la vie est de produire de plus en plus de complexité, et de plus en plus de beauté, voilà qui est loin d'être absurde.

Anonyme a dit…

J'ai tendance à penser que ce n'est pas le monde qui est intrinséquement absurde, mais que nous le percevons comme tel car nous en avons une compréhension limitée. Même les systèmes chaotiques sont susceptibles d'avoir leurs attracteurs étranges...