Penseur

mardi, septembre 19, 2006

Pour un échiquier politique à plusieurs dimensions

La cause semble entendue : en France, il y a la droite et la gauche. La gauche, c’est le PS, plus quelques satellites mal identifiés comme les Radicaux. La droite, c’est l’UMP. Entre les deux, sur cet axe droite-gauche, les centristes de l’UDF, et les partis écologistes, tirant à gauche pour les Verts, à droite pour CAP21. A cet univers bipolaire viennent s’ajouter les extrêmes, les communistes et leur galaxie de révolutionnaires plus ou moins recommandables d’un côté, les partis nationalistes voire xénophobes de l’autre. Les deux extrêmes se retrouvant d’ailleurs pour mettre tous les autres dans le même sac, « tous pareils », quand ce n’est pas « tous pourris ».

Avec un système aussi simple, au moins, on sait à quoi s’attendre. Si on « est de gauche », alors on adhère aux idées socialistes. Si on « est de droite », alors, on est d’accord avec Nicolas Sarkozy. Si on « est » d’un autre parti, ça n’est pas beaucoup plus compliqué : au premier tour, on vote pour le candidat de son parti, et au deuxième, on vote pour le socialiste ou l’UMP restant, en fonction du positionnement relatif de son parti. C’est simple, il n’y a même pas à s’intéresser aux programmes, il suffit de se concentrer sur les duels de personnes, de recueillir les petites phrases et de goûter les piques assassines.

Et pourtant…

N’y a-t-il vraiment qu’un seul axe, Droite-Gauche, permettant de ranger les partis les uns par rapport aux autres ? Bien sûr, c’est plus facile pour ranger les députés dans l’hémicycle. Mais même dans une Assemblée, il y a deux dimensions : n’avons-nous pas perdu le sens de la profondeur de la Révolution, quand les Montagnards et les Girondins s’affrontaient en surplombant le Marais ? Cette simplification vient certainement aussi bien des médias, qui comme on l’a vu récemment aiment les raccourcis, mais aussi des partis politiques eux-mêmes, qui ne sont pas en reste quand il s’agit de polariser le débat. Cela donne des attaques faciles comme « gauchiste » ou « ultralibéral ».

Le point de départ de cette réflexion vient d’un certain nombre de commentaires sur Ségolène Royal. Plusieurs fois, j’ai lu que par rapport à elle, l’auteur se situait « plus à droite économiquement, plus à gauche socialement ». Je crois qu’il s’agissait de commentateurs chez Hugues et Versac, mais je n’arrive pas à les retrouver. N’est-ce pas là une preuve que l’axe Droite-Gauche, tel quel, n’a aucun sens, et qu’il y a au moins deux dimensions, l’économie et le social ? Untel pourrait être « à droite socialement, et à gauche économiquement », ou l’inverse. Le nombre de positionnements politiques possibles serait élevé au carré !

En réalité, il y a même un nombre infini d’axes. Mais la plupart d’entre eux ne sont pas porteurs de sens, ne sont pas discriminant. Par exemple, l’environnement : les groupes politiques se répartissent en deux familles : ceux qui en font la priorité absolue, quitte à négliger le reste, et ceux qui en font la priorité absolue dans les discours, mais qui l’oublient quand il s’agit de passer à l’acte. Autre axe peu déterminant, la politique internationale. Il y a sur le sujet une sorte d’union sacrée, ou plus raisonnablement de consensus, sur la place de la France, faite de promotion de la paix comme objectif et de la négociation comme moyen. Je ne crois pas qu’il y ait de partis gouvernementaux (hors-extrêmes) qui se positionnent pour une réduction massive de l’effort militaire et un retrait de la France de la scène internationale.

Alors, quels sont les axes utiles ? J’en ai retenu quelques-uns.

- L’économie. Sur cet axe, on trouverait à droite les tendances libérales, et à gauche, les tendances dirigistes. « Tendances », car le système est déjà assez caricatural comme cela pour ne pas en rajouter. Par exemple, le Grand Satan Ultralibéral que sont les Etats-Unis a tout même une composante interventionniste et redistributive marquée : les subventions agricoles ou le financement de la recherche via la NSF ou le Department of Defense en sont deux exemples. La Chine est peut-être plus libérale, d’un certain point de vue, mais c’est un pays complexe que je ne connais pas vraiment. Plus on se déplace vers la gauche sur cet axe, plus les divers impôts (sur le capital, sur le travail, sur les bénéfices) augmentent, pour donner plus de moyens à l’Etat de financer un secteur public fort.

- Le social. J’entends premièrement par social la tendance à redistribuer une partie de la richesse produite par l’économie aux groupes sociaux défavorisés. A gauche de cet axe, il y aurait les mesures comme le RMI ou la CMU, et à droite, une tendance à la responsabilisation, via par exemple l’idée de la prime pour l’emploi ou l’incitation des chômeurs à accepter des offres d’emploi moins intéressantes. Ensuite, je pense que cet axe peut aussi englober le thème de l'ordre public. A gauche de l'axe, la réponse aux désordres est la compréhension des problèmes sociaux, résolvables par des politiques ciblées, comme la promotion de la mixité sociale ou des aides financières (d'où l'adéquation avec le premier point). A droite de l'axe, l'idée est plus de dissuader les fauteurs de troubles par un respect strict de la loi

- La morale. Les exemples typiques de sujets dans ce domaine sont le mariage gay, le droit de vote des étrangers, ou encore la discrimination positive. Sur cet axe s’opposeraient les progressistes à gauche aux conservateurs à droite. Cependant, cet axe pose des problèmes épineux, car les lignes de partage passent au cœur des familles politiques, et varient avec les sujets. Je précise aussi que je dis conservateur et non réactionnaire à dessein, car réactionnaire est péjoratif, que toutes les évolutions ne sont pas souhaitables, et qu’au minimum il faut admettre que les arguments dans ces débats sont souvent légitimes dans chaque camp.

Cette représentation souffre d’imperfections. Comme dans tout système, il s’agit de caricaturer la réalité pour la clarifier, au risque d’erreurs. Je compte sur vous, lecteurs, pour m’aider à affiner ce tri. Je vais maintenant m’atteler à représenter graphiquement la position des partis français, ainsi que certains grands partis étrangers.

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