Penseur

mercredi, septembre 27, 2006

La Roumanie et la France

Je disais ici que la Roumanie est le pays le plus francophile à l’Est du Rhin. Cela pourrait n’être pas totalement évident, à première vue. Quels sont les liens entre la Roumanie et la France, pourrait demander quelque ignorant pékin[1] ne connaissant de la Roumanie que les clichés de l’enfant immigré braqueur de parcmètres ou du légionnaire portant 2kg de phalanges au bout de chaque bras. Il faudrait développer un peu, étayer, donner des arguments.

J’étaie.

La langue, tout d’abord. Îlot latin dans un océan slave[2], disait l’historien Neagul Djuvara dans Le Pays roumain entre Orient et Occident. Le roumain est, avec le portugais, une des langues latines ayant conservé le plus de points communs avec la langue des romains. Les linguistes expliquent cette préservation par l’isolement des régions périphériques. Le roumain est proche, dans sa prononciation, de l’espagnol ou de l’italien. Cependant, le français est la principale source de mots roumains non directement issus du latin, donc les plus récents : près de 22% des mots roumains viennent du français. En plus de ces mots communs s’ajoutent des expressions populaires communes aux deux langues, dont on déduit qu’elles viennent du latin !

Continuons dans les liens franco-roumains, en remontant l’histoire. Durant la période communiste, il était bien entendu assez mal vu d’apprendre l’anglais. L’allemand n’avait pas non plus bonne presse, quant au russe, s’il était obligatoire ou fortement conseillé, c’était toujours à contrecœur. Restait le français : les circonstances historiques font donc que bon nombre de Roumains parlent un peu de français (en moyenne, pas mieux que les Français ne parlent anglais, tout de même). Maintenant, évidement, les jeunes générations s’orientent de plus en plus vers l’anglais, ou l’allemand. Les grandes multinationales, et les PME allemandes, s’implantent massivement dans les pays de l’Est. Les françaises, beaucoup moins (quoi que). Peut-être que la tenue du XIème sommet de la Francophonie à Bucarest va changer les choses, inciter les jeunes Roumains à se mettre au français, et faire apparaître la Roumanie comme un marché valable aux yeux des investisseurs Français. Espérons aussi qu’il poussera l’Etat Français à faire des efforts pour promouvoir la diffusion de la langue. L’Institut Français de Bucarest est assez actif, mais il n’y en a jamais trop en la matière.

Je me suis un peu égaré, revenons au côté historique des relations franco-roumaines. La Roumanie en tant que telle est un pays jeune, né en 1877, prenant sa forme actuelle en 1918. Ayant toujours dû résister aux Empire Ottoman (dès le Moyen-Age, en fait), Autrichien et Russe, la Roumanie a cherché des alliances avec d’autres grandes puissances, parmi lesquelles se trouvaient la France. Je reviendrai peut-être plus tard sur la place de la Roumanie dans ces guerres mondiales. Toujours est-il qu’entre les deux guerres, la Roumanie connaît un développement économique, mais aussi culturel, de grande envergure, très influencé par la France. Bucarest est appelé à cette époque « le Petit Paris des Balkans ».

Après l’arrivée des communistes au pouvoir, les relations entre la Roumanie et l’Ouest se sont quelque peu dégradée. Ce pays conserva toutefois une certaine forme d’indépendance vis-à-vis de Moscou, en matière de politique extérieure, compensée par une extrême orthodoxie sur le plan intérieur. Hmmm, quel pays du bloc de l’Ouest avait lui aussi cultivé une certaine indépendance en matière de relations internationales ? Gagné, la France. D’où la visite du Général de Gaulle à Bucarest, en 1968, ou les différents voyages de Nicolae Ceaucescu à Paris. J’espère que les liens de l’INA sont permanents, et je vous engage fortement à écouter le discours de De Gaulle. Il est très instructif sur les raisons de cette proximité diplomatique, échapper à la logique des blocs, alors même que ces entretiens internationaux servaient à légitimer, en Roumanie, la terrifiante politique de Ceaucescu.

Je m’arrête là, j’ai dépassé la limite de taille que je m’étais fixé. Un engagement mort-né… J’espère que vous avez trouvé ce premier billet sur la Roumanie intéressant. Si oui, je ferai peut-être un autre billet sur ce pays : du Moyen-Age (la vraie histoire de Dracula) aux paysages du Danube, il y a encore matière à faire.



[1] Dont je faisais partie il n’y a pas si longtemps

[2] Citation approximative

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