Penseur

vendredi, mai 18, 2007

Un traitement pour le cancer ?

J'étais très dubitatif quand j'ai appris, il y a quelque temps, que des chercheurs ont trouvé un traitement contre le cancer efficace, rapide, fonctionnant sur presque tous les types de cancers, et sans trop d'effets secondaires car ne ciblant que les cellules cancéreuses. Ce début est déjà un peu gros, mais pire, la suite de l'histoire ressemblait à un canular visant à discréditer les multinationales pharmaceutiques. Le traitement en question se base sur une molécule simple, peu coûteuse, qui n'est pas protégée par un brevet, et qui, du coup, n'intéresse pas les entreprises du médicament. Comme il n'y a pas d'argent à ramasser, elles ne sont pas prêtes à investir dans des tests cliniques. Pour finir par une dernière critique, leurs officines de communication ne s'en occupant pas, les journaux paresseux n'en parlent pas.

C'est un peu gros, n'est-ce pas ? J'ai donc cherché sur internet de quoi rabattre le caquet de mon informateur crédule. Je suis d'abord tombé sur plusieurs pages d'étudiants d'universités américaines rapportant l'histoire - ce qui n'est pas une base très solide pour se faire une idée. Puis, à ma grande surprise, j'ai trouvé cet article du New Scientist (plutôt sérieux, a priori) et cette page de l'université d'Alberta invitant à faire un don pour financer les essais cliniques. J'ai ensuite vérifié sur Web of Science que le docteur Michelakis existait, et travaillait en Alberta, sur divers aspects du métabolisme. Il semble donc avéré que la molécule de dichloroacetate (DCA) soigne les cancers !

En lisant un peu en détails les pages de l'université d'Alberta et du New Scientist (je vous conseille de les lire pour plus de détails, car je n'ai pas les connaissances nécessaires pour aller plus loin), je lis que la DCA est utilisée pour traiter les nouveaux-nés souffrant d'un dysfonctionnement de leurs mitochondries. Les mitochondries sont des microorganismes vivant dans nos cellules, en symbiose, nous permettant d'utiliser efficacement l'énergie de nos aliments. Schématiquement, les sucres et l'oxygène sont apportés par le sang aux mitochondries, qui produisent en échange de l'énergie sous forme d'ATP, et du dioxyde de carbone, que nous rejetons. Dans les cellules cancéreuses, ces mitochondries sont désactivées, car les tumeurs ne sont pas alimentées en oxygène. La production d'énergie dans les tumeurs est alors moins efficace, mais d'un autre côté, cela les rend éternelles. La DCA, en réactivant les mitochondries, réactive au passage le processus appelé "apoptose", la mort cellulaire. Et les cellules mutées meurent, la tumeur régresse.

Je lance ici un appel aux biologistes de passage : pouvez-vous m'expliquer quel est le rôle des mitochondries dans l'apoptose ? Il semble central, mais je ne comprends pas pourquoi.

Les tests cliniques devraient être plus courts que pour les médicaments normaux, puisque la molécule a déjà été validée pour d'autres usages. Il reste que les tests d'efficacité et la définition de la posologie (quantité de produit délivré au patient, à quel rythme, et par quel moyen) sont longs et coûteux. Il faut espérer que le gouvernement canadien, les institutions privées (par exemple, les fondations Clinton ou Gates), voire peut-être les donateurs privés, permettront de les financer. Il se posera aussi le problème de la réalisation pratique de ces tests, aucun de ces acteurs n'ayant, a priori, l'expérience ou les ressources médicales pour faire ce qui est d'habitude du ressort des entreprises pharmaceutiques. Il restera ensuite à commercialiser le produit sous sa forme finale, avec peu de bénéfices à en attendre.

Les obstacles semblent donc nombreux, mais il y a de l'espoir ! Je crois que la situation souligne le rôle crucial qu'ont les entreprises pharmaceutiques dans le développement des médicaments quand la chance ne s'en mêle pas autant que dans ce cas. Si elles n'avaient pas les moyens financiers pour soutenir la recherche et les tests des médicaments potentiels, dont une grande partie n'aboutit pas, aucun nouveau traitement ne verrait le jour. Quand certains crient au loup, ils s'attaquent aux seuls acteurs capables de prendre ces risques !

26 commentaires:

Anonyme a dit…

Il n'y a pas de complot des pharmas dans ce cas là. La publication montrant les effets du DCA date de janvier 2007 (Cancer Cell, 2007, 11: 37-51). Quatre mois, c'est un peu court pour avoir des résultats cliniques !
Les études cliniques se divisent en quatre phases : La phase I a lieu après la phase d’expérimentation animale et a pour but de déterminer la tolérance et l'absence d'effets secondaires chez des sujets sains (20 à 80 ; en onco, ce sont des patients). La phase II permet de déterminer la dose optimale et de contrôler les effets secondaires (20 à 300 patients). La phase III compare le traitement soit à un placebo, soit à un traitement de référence. Les groupes sont de taille importante, souvent plusieurs milliers de participants. C’est une phase extrèmement coûteuse. Enfin, la phase IV a lieu après l’obtention de l’AMM et vise à détecter l’apparition d’effets secondaires rares ou des complications tardives.
Les mitochondries : ce sont des organites intracellulaires, dérivant d’un ancêtre procaryote phagocyté par une cellule eucaryote. L’énergie de la cellule provient de l’utilisation de molécules d’ATP, lesquelles résultent du catabolisme des molécules organiques (par ex. glucose). La voie la plus efficace est celle de la respiration qui nécessite de l’oxygène et dont les dernières étapes se déroulent dans les mitochondries. En cas d'absence d'oxygène la cellule utilise la fermentation dans le cytoplasme pour produire l'énergie nécessaire à son fonctionnement, mais c'est un système beaucoup moins efficace. D’autre part, les mitochondries ont un rôle important durant à l’apoptose. En particulier, un certain nombres de protéines importantes pour ce phénomène (par ex. des activateurs de protéases spécifiques de l’apoptose appelées caspases ; le cytochrome C) sont relarguées de la membrane interne des mitochondries à ce moment.
Ceci dit, je m’interroge. Je n’ai pas lu l’article, n’ayant pas accès au texte intégral depuis chez moi. Je ne sais pas quelles sont les données rapportées : s’agit-il uniquement de tests vitro ? est-ce qu’il y a du vivo (par ex. sur de souris) ? est-ce que le DCA est actif sur tous les modèles de cancers ? est-ce qu’il marche uniquement sur les tumeurs bénignes (cad non vascularisées) comme le suggère l’article de New Scientist ? dans ce cas, son intérêt serait à mon avis plus limité puisqu’il ne pourrait pas être utilisé sur des tumeurs métastatiques. Il est aussi dit sur le site de l’Université d’Alberta que le DCA est une molécule sans trop d’effets toxiques : que doit-on entendre par là ? que le rapport bénéfice/risque est en faveur du bénéfice thérapeutique ?
Enfin, il est très possible que l’Université d’Alberta ait déposé une demande de brevet sur l’utilisation du DCA pour traiter le cancer !

Matthieu a dit…

Merci pour ce commentaire tres complet, presque un billet de réponse à lui tout seul ! Je ne sais pas par ou commencer pour te répondre.

Tout d'abord, je dis moi aussi qu'il n'y a pas de "complot des multinationales", tu m'as peut-etre mal lu, c'est aussi ce que je dis. Les tests ont peut-etre été déjà fait en partie (phase I) mais la phase III requiert des moyens que n'a peut-etre pas l'université d'Alberta. Au passage, est-il possible de breveter l'usage de la molécule (contre le cancer) alors que la molécule elle-meme est parfaitement connue depuis longtemps ?

Je n'ai pas pu acceder à l'article de Cell (merci pour la référence, d'ailleurs, je ne suis pas trop familier avec les publications médicales), mais j'ai les mêmes reserves : est-ce vraiment efficace à toutes les phases, sur tous les types de cancer ?

Quant au "pas trop d'effets toxiques", je le comprends comme peu d'effets secondaires aux doses utilisées, au moins dans la posologie actuelle. apres tout, la DCA est utilisée sur des nouveaux-nés !

Anonyme a dit…

si je peux me permettre les mitochondries ne sont pas des microorganismes mais des organites hérités d'une symbiose ancestrale avec un unicellulaire aérobie

le lien entre l'apoptose et les mitochondries est le cytochrome, un intermédiaire des chaines repiratoires présent dans les mitochondries qui, libéré dans le cytoplasme, active les réactions apoptotiques par le biais de caspases

Matthieu a dit…

Je ne suis pas sur de comprendre tous les termes que vous employez ! :-)

Quelle est la différence entre un organite et un microorganisme ? Est-ce juste le coté indépendant ou symbiotique ? Parce que mine de rien, les mitochondries ont leur propre ADN, donc, qu'est ce qui les distingue d'un microorganisme ?

De toute facon, d'un point de vue "phenotype etendu" à la Dawkins, tout cela ne fait qu'un.

Ensuite sur l'apoptose : comment expliquer, d'un point de vue evolutionnaire, que ce soient les mitochondries qui déclenchent l'apoptose ?

Anonyme a dit…

@ Matthieu,
dsl pour le complot des pharmas, c'était juste un clin d'oeil. L'histoire du brevet aussi. Quoique... Quand on y réfléchit un peu, quel est l'industriel qui va financer des études cliniques sur l'utilisation du DCA dans le traitement du cancer sans avoir une garantie de recouvrer son investissement?

Matthieu a dit…

c'est exactement le noeud du problème : sans perspective de rentabilité, pas d'investissement industriel. Donc ce médicament prometteur voit son développement entravé et a besoin des dons privés / financements publics pour avancer ! De plus comme je le souligne dans l'article les problèmes ne sont pas que financiers.

Anonyme a dit…

Bonjour Matthieu,
Juste un petit commentaire pour dire que je suis un nouveau visiteur du cafés des sciences.
C'est vraiment un très chouette blog. Pour info, je t'ai découvert grâce à un journaliste de la radio BFM, qui dans sa rubrique internet, soulignait ton blog pour la clarté de tes explications scientifiques.
Et en effet, même si je comprend pas toutes les implications en jeu pour ton commentaire sur le traitement du cancer, j'ai adoré ton post à propos de l'ordinateur quantique. J'ai enfin appris des choses vraiment intéressantes sur ce sujet pas évident.

Bref, bravo à toi Matthieu et bonne continuation.

Matthieu a dit…

Et bien, merci Jordan, je ne sais pas trop quoi dire d'autre.

J'essaie d'habitude d'etre le plus clair possible mais sur ce billet en particulier, ce n'est pas mon champ de compétences habituel, donc j'ai plus essayé de "digérer" ce que j'ai lu sur internet.

Est-il possible d'ecouter cette emission de bfm sur internet ?

Anonyme a dit…

Matthieu > Un bon billet pour comprendre les mitochondries avec pas mal d'humour, et une réponse : oui, on peut breveter un nouvel usage d'une molécule déjà connue (si ce nouvel usage n'était pas évident pour l'homme de l'art) puisque cela possède les trois critères d'inventivité, de nouveauté et d'applicabilité industrielle. D'ailleurs, on brevète rarement une molécule en tant que telle mais toujours pour un usage donné...

Anonyme a dit…

@Enro
"D'ailleurs, on brevète rarement une molécule en tant que telle mais toujours pour un usage donné..."
Non. On essaie toujours de breveter la molécule elle-même. Il n'est pas possible en Europe de breveter une utilisation thérapeutique en tant que telle (Art. 52(4) CBE; L611-16 CPI). Néanmoins, il est nécessaire de décrire une utilisation thérapeutique dans la demande pour un question d'activité inventive (il n'y a pas de problème technique quand on se limite à la fourniture d'une molécule parmi d'autres, mais il y en a un quand on fournit une molécule dotée de propriétés thérapeutiques particulières).
En revanche, on ne revendiquera pas uniquement l'utilisation de la molécule, mais la molécule elle-même, ce qui permet d'obtenir la protection la plus large. On incorporera des revendications du type "molecule X de formule ..." puis "molécule X selon la revendication ... en tant que médicament". Enfin, il sera toujours possible d'obtenir plus tard (dans une autre demande) une revendication pour couvrir l'utilisation de la molécule X pour traiter une maladie Y, à condition que cette invention satisfasse aux critères usuels de brevetabilité et soit rédigée sous une forme particulière (swiss-claims; cf G6/83).

Anonyme a dit…

zmb > Merci d'avoir complété ma réponse. Comme tu le soulignes bien, revendiquer un usage donné est nécessaire (même si ça n'apparaît pas dans la revendication n°1) puisqu'il faut des données pour appuyer la demande (effets biologiques ou thérapeutiques, etc., répondant en effet à un problème technique). Je ne parlais pas de breveter un usage en tant que tel, mais bien une molécule en tant que répondant à un usage donné.

Matthieu a dit…

c'est toujours bon d'avoir un expert en brevet sous la main... :-D

Je me demandais si la situation n'était pas différente au Canada ? Suivent-ils les regles valables aux USA (que je ne connais pas plus que ca, certes, mais je sais qu'elles varient quelque peu des regles europeennes) ?

Et donc, pour recentrer le sujet, il serait bel et bien possible de breveter la DCA-contre-le-cancer plutot que la DCA seule ? Pourtant, il est fait mention sur tous les sites que la "DCA était tombé dans le domaine public" et "ne représentait plus un interet economique". Que penser ?

Anonyme a dit…

comme je le pensais, une demande de brevet a été déposée. La demande PCT vient d'être publiée (WO2006/108276).

Matthieu a dit…

merci de l'info

Anonyme a dit…

Avec le lien : WO2006108276. Ce qui confirme ce que l'on disait, et qu'une molécule tombée dans le domaine public n'est pas forcément sans intérêt économique. Je crois qu'on est là face à un lieu-commun (construit notamment par le monde économique qui n'investit plus que là où il y a des brevets) — même s'il ne faut pas nier que le développement peut être plus difficile que pour une molécule déjà protégée. Ainsi, on peut imaginer des détournements des boîtes de DCA de leur usage thérapeutique premier. Certes le propriétaire du brevet pourrait agir en justice mais ça a toujours un coût. La synthèse de la DCA (peut-être un mauvais exemple, car simple structurellement) elle-même peut être désormais en accès libre, et alors que la tendance actuel est à la multiplication des brevets protégeant un produit donné, on n'est pas à l'abri d'un malin qui exploiterait une faille dans l'unique brevet protégeant ce médicament...

Anonyme a dit…

> Enro
Merci pour le lien. il faudra que j'apprenne un jour ;-D
Tu soulèves un point important à propos des brevets couvrant uniquement l'utilisation thérapeutique d'une molécule dans le domaine public et fabriquée par plusieurs fabriquants: comment s'assurer que les médecins ne prescrivent que la molécule fabriquée par le titulaire du brevet pour l'utilisation brevetée? Question connexe: comment faire la preuve d'une contrefaçon éventuelle?
En revanche, je ne suis pas totalement d'accord avec ton analyse économique. C'est le "construit notamment par le monde économique qui n'investit plus que là où il y a des brevets" qui me gène. Les pharmas ne se sont pas réunies à un moment pour décider que seules les molécules brevetées devaient être développées :-D Il faut comprendre que le coût en est énorme (une étude - la seule à ma connaissance - de Tufts avançait le chiffre de $800M/molécule qui arrive sur le marché). Il résulterait du fort taux d'attrition et du coût élevé des études cliniques. Le brevet assure une période d'exclusivité (20 ans à partir du dépôt de la demande) et donc augmente les chances d'obtenir un fort taux de rendement de l'investissement. cependant, si tu trouves un moyen d'obtenir le même rapport avec une molécule dans le domaine public, les boites seront tout autant preneurs!Peut-être sera-ce le cas avec le DCA?

Matthieu a dit…

@Enro : la seule chose qui peut prévenir un usage "détourné" sont les spécificité de chaque usage thérapeutique : additifs, retardants (pour que la molécules agisse à un endroit et pas à un autre), en un mot composition en plus du produit actif, ainsi que la posologie, seront différents.

@Enro et zmb : c'est ce paradoxe que je voulais soulever dans ce billet, que cette exemple de manque d'interet des firmes pharmaceutiques, qui compromet ici un médicament prometteur, montre en négatif leur role indispensable dans le developpement des autres médicaments. Certains ont tendance à critiquer "big pharma" dans les deux situations, ce qui est un peu incohérent.

Anonyme a dit…

zmb > "Cependant, si tu trouves un moyen d'obtenir le même rapport avec une molécule dans le domaine public, les boites seront tout autant preneurs!"

Je pense que l'on peut faire de la bonne R&D et du profit avec d'autres modèles de PI que les brevets, comme les licences BiOS, le secret industriel (selon les industries) voire l'open source. Surtout, ton commentaire sous-entend que les big pharma ne brevètent que pour protéger leur innovation et assurer la juste rémunération de leur R&D. D'une, cela ne colle pas avec l'observation que "l’envolée des dépôts de brevets (« the surge in patenting », Kortum et Lerner 1999) est associé à une diminution de l’intensité de R-D" selon Ch. Le Bas. De deux, cela est nuancé par les observations selon lesquelles les brevets, en dehors de leur fonction première de protection de l'innovation et de sécurisation des marchés, servent de plus en plus à bloquer les compétiteurs pour se ménager une marge de manoeuvre, à se construire une réputation, attirer les capitaux (fonction d'échange, notamment en pharma et biotech) et contrôler en interne la performance (cf. une étude du Fraunhofer Institut, 2003, pp. V-VI)...

Matthieu a dit…

@Enro : je ne reponds qu'a une partie de ton message, mais je ne suis pas sur que le secret industriel soit preferable au depot de brevet. Au moins avec les brevets il y a un minimum de partage et de mise à disposition du public et des concurrents !

Anonyme a dit…

@Enro:
Je recommence: une pharma fait de la recherche, sort des molécules, lance des essais cliniques, demande une AMM auprès de l'autorité compétente et met sa molécule sur le marché. Le génériqueur n'a qu'à faire des tests de bioéquivalence pour obtenir une ANDA et pouvoir mettre sa copie sur le marché. Les brevets (et la data protection) sont la seule façon d'assurer une période d'exclusivité à la pharma qui a fait de la recherche, sachant que ledit brevet ne dure que 20 ans à partir du dépôt et que le temps de moyent pour amener une molécule jusqu'au marché est d'environ 12 ans. Pourquoi crois-tu que les génériqueurs sont tellement agressifs vis-à-vis des brevets en vigueur ?
Les idées que tu proposent sont très jolies en théorie mais complètement irréalisables. Qui va payer de la recherche (en se rappelant que sur 5000 composés identifiés en HTS, seuls 250 entrent en préclinique et seule 1 sur 10 de ces molécules est approuvée), qui va payer des études cliniques, qui va investir dans un processus d'industrialisation (pour au moins faire des lots cliniques) si à court terme quelqu'un d'autre va en retirer les bénéfices? Et je n’ai même pas abordé les questions de ressources en FTE qui sont mobilisées à chacun de ces stades et qui ont travaillé sur cette molécule au détriment d’autres projets peut-être tout aussi intéressants ! A moins de vouloir fermer, pourquoi une pharma devrait-elle mettre ses résultats dans le domaine public ?
Le secret industriel n’est d’aucune utilité pour empêcher le génériqueur de copier ta molécule. Il ne faut pas oublier que ledit génériqueur emploie des très bons scientifiques (chimistes en Inde, biologistes en Chine) pour qui le reverse engeneering n’est pas un problème. D’autre part, une fois que le secret industriel est divulgué, sa valeur est nulle.
Enfin, je n’ai pas sous-entendu que les big pharmas ne brevètent que pour assurer la juste rémunération de leur R&D. J’ai dit que le brevet permet de rentabiliser leur investissement en R&D. Merci de me lire correctement.

Anonyme a dit…

zmb > Il est difficile de faire passer une idée un peu osée comme "on pourrait se passer de brevets" mais c'est une exagération à interpréter dans le sens de "les accords TRIPS ne sont pas une avancée positive, notamment pour les pays du Sud" ou "les pratiques actuelles de brevet sont très insatisfaisantes et largement perfectibles (mauvaise qualité des brevets, brevets qui buissonnent et volume exponentiel de littérature qui dissuadent l'innovation, backlog des offices des brevets, descriptions qui visent plus à cacher qu'à divulguer, préférence nationale des examinateurs des différents offices qui citent surtout leurs brevets domestiques et manquent une bonne partie de l'art antérieur, etc.)". Il est difficile de penser instantanément à un système sans brevet qui protégerait effectivement l'innovation mais on voit les limites du système actuel, je pense que tu peux être d'accord avec cela. Après, mes propositions iconoclastes (qui ne sont pas les miennes d'ailleurs, elles sont largement étudiées et reprises à travers le monde, notre vision étriquée de pays occidental ne doit pas nous le faire oublier) peuvent sembler absurdes, mais d'autres idées qui semblaient absurdes font leur chemin comme le micro-crédit, le logiciel open source et les licences libres. Le monde bouge, et les brevets ne font qu'être immobiles et s'enfoncer sur place... D'ailleurs, l'USPTO innove aussi à sa façon avec des initiatives comme le peer review ouvert au public des brevets logiciels !

Enfin, tu ne sembles pas considérer qu'une big pharma puisse obtenir le même bénéfice et retour sur investissement sans brevet qu'avec (cf. la citation de toi que j'ai reprise dans mon commentaire précédent). Peut-être pas sur les marchés ultra-saturés de l'Ouest et avec les modèles actuels d'innovation mais pour les maladies qui touchent l'Afrique ou les maladies orphelines, avec une innovation plus concertée et distribuée (avec ONG et universités) donc moins coûteuse, où l'avantage compétitif n'est pas lié seulement à la substance active mais à la présence sur le terrain, au contact avec les parties prenantes, ça ne me semble pas impossible. En tous cas, je ne crois pas qu'on puisse affirmer l'un ou l'autre a priori !

Matthieu > Tu aurais raison si les brevets n'étaient pas parfois volontairement abscons ou pervers, faisant plus de mal (verrouillant tout un domaine pour rien) que de bien...

Emmanuel a dit…

Salut à tous,

Chapeau pour la qualité des billets et des explications.

Je n'apporte pas de réponses mais une simple réflexion sur une affaire récente : l'Efavirenz (antisida) de Merck. Le Brésil (en la personne de Lula) a décidé de se passer du brevet Merck et d'importer le médicament auprès de génériqueurs indiens. La raison invoquée est le prix trop élevé du médicament. Merck avait proposé une réduction de 30% mais l'accord avec les génériqueurs revenait à une réduction de 70% environ.

Un brevet vaut-il 40% (=70-30) du prix d'un médicament ? A mon sens un brevet vaut beaucoup plus.

Même si la cause antisida est prioritaire et mérite des moyens exceptionnels, ce que vient de faire le Brésil est dangereux car cela risque de "faire peur" aux autres big pharmas : cela peut les décourager d'investir dans les médicaments vers les pays en développement, pour se focaliser vers des médicaments "rentables" dans les pays occidentalisés: cancer, CNS (neurologie), alzeihmer, diabetes, parkinson...

Emmanuel

Anonyme a dit…

j'ai lu attentivement tous vos commentaires et excusez moi mais j'en suis révoltée
comment peut-on parler d'interets economiques, de rentabilité... alors que c'est la vie d'êtres humains qui est en jeu. Ca peut arriver à n'importe qui et d'autant plus quand on habite les pays industrialisés (la proportion des gens qui ont ou ont eu un cancer y est considérable)
je ne sais pas si cette molécule marche mais le principe de l'indstrie pharmaceutique est horrible, inhumaine (alors que logiquement ou plutot utopiquement son but premier et de soigner les gens malades!!!)
je me demande souvent où va ce monde où chaque homme ne pense qu'à son pouvoir personnel en dépit de la vie des autres mais je vois que c'est de pire en pire. pour l'espece humaine ce n'est plus la théorie du gène égoiste qui est applicable à son évolution mais de l'individualisme pur et dur.

Rim (désolée je n'ai pas une identité de bloggeuse mais juste une scientifique atteinte d'un cancer qui passait par là)

Anonyme a dit…

@ Anonyme "comment peut-on parler d'interets economiques, de rentabilité... alors que c'est la vie d'êtres humains qui est en jeu."
c'est aussi ce que je me dis à chaque fois que j'achète ma baguette... mais, foin d'ironie facile.
Et sinon, combien de médicaments inventés et développés par des agences publiques, et mis gratuitement à la disposition des malades?
oups, désolé, j'avais dit que je ne recommencerais plus...

Anonyme a dit…

Les mitochondries ne sont pas des microorganismes! Ce sont des organelles, i.e. une structure à l'intérieur de la cellule qui a une fonction spécifique.

Matthieu a dit…

@Rim : La discussion peut paraitre cynique, mais il n'en reste pas moins qu'il faut des moyens tellement enormes pour developper un medicament qu'il faut bien que quelqu'un investisse. Les etats n'ont probablement ni les budgets ni la structure qui convient, donc mis a part des financements de fondations privees (types fondation Gates, dont je parle dans ce billet), seule l'industrie pharmaceutique peut faire quelque chose. Et comment leur reprocher de chercher a gagner de l'argent, ce sont des entreprises apres tout.

La seule solution que je vois est un renforcement des fondations caritatives par des dons prives - un phenomene qui existe mais qui prendra du temps.