Penseur

mercredi, mars 28, 2007

Les modèles en science

Dans les débats à propos de la science revient souvent l'idée fausse que la science serait à la recherche de la vérité sur le fonctionnement du monde. Dans ce paradigme (trop) communément admis, il y aurait des théories qui seraient vraies, d'autres qui seraient fausses, et les meilleures théories actuelles ne seraient que partiellement vraies, en ce sens qu'une meilleure théorie, "plus vraie", pourrait toujours être formulée dans le futur. Le but de la science serait d'expliquer le monde, de répondre à la question "pourquoi les choses se passent-elles ainsi ?".

En réalité, la science essaie de décrire le monde, et le but de ces modèles et de ses théories est de rendre compte du monde tel qu'il est, ou plutôt tel qu'on le perçoit et le mesure. Les théories ne sont pas vraies ou fausses, elles sont seulement plus ou moins précises. Un modèle n'explique le monde que dans la mesure où il rend compte de façon précise des phénomènes observés, et qu'il nous permet de comprendre l'origine des phénomènes observés. Mais, si ce n'est pas le cas, peu importe : la science est là pour répondre au comment, pas au pourquoi.

Par exemple, en physique quantique, le modèle du spin ou la théorie de l'intrication ne nous éclairent pas vraiment sur l'origine des phénomènes observés - le spin est même plutôt contre-productif, dans le sens où il laisse imaginer des analogies avec la rotation autour d'un axe ("spin" en anglais) dans l'univers macroscopique matériel qui nous est familier, et qui sont fausses. Pourtant, ces deux constructions théoriques rendent extrêmement bien compte des expériences : qu'elles soient "vraies" ou "fausses" n'a aucune importance (ces mots n'ont pas beaucoup de sens), elles sont juste précises et utiles.

Un autre exemple est la modélisation des polymères. Les polymères sont de longues, très longues chaînes moléculaires, formées par l'addition successives de monomères : l'éthylène donne le polyethylène, le styrène donne le polystyrène, etc... Les matières plastique ou le caoutchouc en sont d'autres exemples. Le problème qui se pose est de savoir comment se meuvent ces longues chaines sous l'effet de la température ou d'une contrainte imposée au matériau. Une autre question est de savoir comment ils modifient l'écoulement d'un fluide dans lequel ils sont dilués. Et bien, pour certaines échelles de temps, les modèles les plus pertinents sont simplement de représenter le matériau par un ensemble de pistons et de ressorts ! Et à d'autres échelles de temps, il est intéressant de voir le polymère comme un ensemble de billes connectées par des ressorts.

Inutile de dire que ces modèles sont faux, et ne représente pas la réalité. Et pourtant, ils donnent des résultats théoriques assez précis. Ils représentent de toute façon ce qui se fait de mieux : ils sont donc vrais !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est une des raisons pour lesquelles il n'y a pas de progrès en science mais juste une évolution des concepts, des paradigmes. Pensons à Kuhn mais aussi à Popper, pour qui une théorie est meilleure que la précédente si elle est plus falsifiable (i.e. tente de décrire plus de phénomènes, ou dans un domaine d'application plus large) — et non pas si elle est plus "vraie"... Mais tous les scientifiques ne seront pas d'accord avec cette interprétation !

Matthieu a dit…

Est-ce que ca marche aussi si le nouveau concept est juste "plus précis" ? parce que c'est souvent ca, l'amélioration apportée.

Anonyme a dit…

Oui, si elle est plus précise (plus "exigente"), elle est également plus falsifiable (par exemple quantitativement). Mais il ne faut pas qu'elle soit précise en étant ad hoc, ou son domaine de validité se restreint et on ne gagne pas beaucoup au change !