Penseur

vendredi, janvier 05, 2007

Dynamic Days (4) : Châteaux de sable

Les matériaux granulaires, comme le sable, m’intéressent énormément, mais je n’avais pas eu d’occasion particulière d’en parler jusqu’ici. Les conférences de ce matin sur le sujet, et des conversations avec des spécialistes du sujet, m’ont donné la motivation pour faire cesser cet intolérable manque.

L’étude des écoulements granulaires a beaucoup d’applications pratiques : remplissage et vidage des silos de grains, avalanche de neige, formation des dunes de sable, par exemple. Ce sont des objets physiques curieux : ils sont constitués de particules solides, mais s’écoulent, presque toutes leurs caractéristiques sont fortement non-linéaires, avec beaucoup d’hystérésis, ils sont insensibles à la température… En bref, presque aucun outil traditionnel d’étude des fluides ne leur est adapté.

Puisque les équations sont encore à trouver, une voie « naturelle » pour l’étude des écoulements granulaires semble alors être la simulation. Cependant, Anita Mehta, lors des Dynamic Days, a soulevé un problème intéressant. Les écoulements granulaires forment des structures très particulières, en forme de pont, où les grains s’appuient les uns sur les autres de façon à stabiliser l’ensemble, exactement comme l’arche d’un pont. Ces « ponts » sont responsables du bouchage des silos de grains, par exemple, et sont aussi la raison pour laquelle la fraction volumique des matériaux granulaires dans la nature (le volume occupé par la silice par unité de volume de sable, par exemple) est très faible : 54% environ, alors qu’un rangement aléatoire donne normalement 64%. Seulement, ces ponts ne peuvent se former que si les grains bougent en même temps ! Voilà qui pose des problèmes supplémentaires lors des simulations, qui sont habituellement conduites pas-à-pas.

Autre réflexion digne d’attention, il est possible de simuler la température des liquides normaux en agitant le matériau granulaire. D’ailleurs, c’était le sujet d’un poster intéressant, mais je n’ai pas retenu le nom de celui qui le présentait. En agitant le sable, on lui donne un mouvement désordonné, qui est exactement la définition de la température. Et effectivement, on retrouve des comportements normaux, au début : les configurations les plus probables sont favorisées (les plus probables étant celles qui sont réalisables par le plus d’arrangements différents[1], c’est-à-dire qui ont la plus grande entropie, c’est-à-dire ni la fraction volumique la plus faible possible, ni la plus grande possible, mais quelque part entre les deux). Ainsi, en agitant doucement un pot rempli de sable, il se tasse un peu. Par contre, si l’agitation est trop forte, le comportement devient contre-intuitif, et très éloigné de la température « habituelle » : le sable se dé-tasse, si je peux m’exprimer ainsi, il occupe plus de volume.

Pfff, pas simples, ces machins…


[1] La condition d’équiprobabilité des configurations est loin d’être évidente ici, mais est assez souvent vérifiée.

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