Penseur

mercredi, novembre 01, 2006

Fin d'un débat ?

J'espère que le débat sur les diverses déclarations de Claude Allègre est en train de se calmer. Via Enro, je découvre ce droit de réponse de Libération, qui s'ajoute à la lettre de Sylvestre Huet publiée auparavant. Ces deux argumentaires détruisent l'argumentaire auto-martyrisant et limite conspirationniste de Claude Allègre d'une façon tellement complète que j'espère que l'ancien Ministre est complètement décrédibilisé. Je me demande si Autheuil et Verel ont changé d'avis sur ce problème - mais qu'est-ce qui a poussé ces lieux-communards habituellement si fins dans ces eaux troubles ?

L'avis de Tom Roud chez Enro est que les préjugés des blogueurs contre le prétendu scientisme écologique n'attendaient qu'une caution scientifique pour s'exprimer. L'idée est peut-être vraie : après tout, lieu-commun rassemble des blogueurs dont les centres d'intérêts sont essentiellement la politiques, l'économie ou le droit, plutôt que les sciences au sens restreint. Hors leur domaine de prédilection, ils seraient tout aussi enclins (quelle désillusion !) que le citoyen lambda à adhérer aux jugements hâtifs des médias ou de l'opinion publique - qu'ils combattent avec vigueur et talent dans leurs autres posts.

10 commentaires:

Tom Roud a dit…

Précisons quand même à ce stade que la plupart des lieux-communards n'ont pas réagi, certains comme Koz ont mis ensuite de l'eau dans leur vin, tandis que Phersu par exemple a tout de suite préféré en rire...
Enfin bon, comme je le disais chez Enro, je ne leur jette pas vraiment la pierre, je pense qu'on est tous un peu comme ça (même si cet exemple précis m'a un peu choqué).

Matthieu a dit…

J'admets, en lisant votre commentaire, avoir généralisé. C'est un travers que je combats habituellement, mais ici le sujet est trop agaçant. Et j'ai été vraiment, profondement surpris et decu, en lisant les billets d'Authueil et Verel

Anonyme a dit…

Attention, ni moi ni Verel ne nous sommes prononcés sur le fond. Ce que nous avons commenté, c'est la démarche, certes un peu "bourin" de Claude Allègre. Il a questionné une théorie scientifique dans la presse grand public. Cette interpellation est légitime à partir du moment où ces théories scientifiques sont la base première de politiques publiques. Un débat a eu lieu, avec réponses, réponses aux réponses, précisions et retours en arrière de Claude Allègre. A la limite, le contenu même débat n'est pas l'essentiel à mes yeux. Ce qui compte, c'est que le débat ait eu lieu et que l'on ait rappelé à cette occasion que la science, ce sont des hypothèses validables ou non, mais en rien des certitudes acquises. Sur la question du réchauffement climatique et de ses effets, on entend surtout les "cautions scientifiques" nous donner des certitudes (en tout cas véhiculées ainsi par les médias).

Donc, je persiste et signe, Merci Claude Allègre pour le pavé dans la mare.

Anonyme a dit…

Authueil > Ah oui, et est-ce que l'intervention d'Allègre va faire bouger la science ? Est-ce que les chercheurs vont se pencher en masse sur les problèmes de l'eau qu'ils auraient occulté jusqu'à présent ? Est-ce que les comités d'experts qui financent les recherches vont donner plus de sous à ceux qui voudront étudier cette hypothèse ? Est-ce que la science va connaître un tournant parce qu'un mandarin aura remis en cause (sans beaucoup de preuve, juste en stigmatisant une "science officielle") des connaissances acquises par consensus depuis plus de 20 ans !! Rien n'est moins sûr, car on ne fait pas de la science en s'emparant avec force autorité de quelques médias français et en se réclamant de Pasteur ou Wegener. L'intervention d'Allègre est évidemment politique, elle n'est même que cela... discutons donc éventuellement sur le fond du politique mais ne jouons par sur l'ambiguïté scientifique/politique qui sert en ce moment Allègre...

Anonyme a dit…

Euro, les conséquences pour la science de l'intervention de Claude Allègre sont très limitées, voire quasi nulle. Mais ce n'est pas cet aspect qui m'intéressait.

Ce qui m'intéresse dans cette affaire, c'est la répercution sur le débat public, sur l'aspect politique. Faut-il absolument tout miser en terme de politiques publiques sur le seul effet de serre ? Sur ce plan, l'intervention de Claude Allègre, que je qualifierait ici de "scientifique médiatique" mais de pas de "politique" (dans ce registre, il est une catastrophe ambulante) a pour but d'intervenir dans ce débat en alertant l'opinion et les décideurs politiques que personne n'est absolument certain des causes du réchauffement climatique, et qu'il peut y avoir d'autres explications que le seul effet de serre, qui jouit actuellement d'une visibilité médiatique qu'il était utile de relativiser.

Anonyme a dit…

Autheuil > Vous écrivez successivement "les conséquences pour la science de l'intervention de Claude Allègre sont très limitées, voire quasi nulle" et "personne n'est absolument certain des causes du réchauffement climatique". Avec la seconde phrase, vous me semblez bien donner un poids scientifique à Allègre (sous entendu : "ses remarques sont fondées sur le plan scientifique") ce qui est contradictoire avec la première attitude. Quand je dis que son discours est politique c'est bien parce qu'il pose le débat entre ce qu'il appelle l'écologie dénonciatrice et l'écologie réparatrice : deux approches politiques, donc.

Peut-être que j'ai tort de vouloir séparer les deux mondes scientifique et politique mais il me semble bien ici qu'ils sont cloisonnés, seul Allègre profite de la confusion entre son statut (qui le légitime) et son discours. Ou alors nous sommes précisément dans le domaine de l'expertise, à la charnière très floue entre les deux mondes, mais Allègre me semble ici ressortir du second.

Anonyme a dit…

À propos de l'intervention de Claude Allègre, voir aussi cet article

Je crois que ce qui pose problème, c'est qu'il soit d'une mauvaise foi incroyable, utilisant à la fois sa renommée pour publier dans des journaux à grand tirage et son étiquette "scientifique" pour tromper les non-spécialistes.

Matthieu a dit…

Authueil : personne n'est absolument certain des causes du réchauffement climatique : si, si, tous les scientifiques qui travaillent sur le sujet...comme je l'écrivais chez vous, la vérité scientifique n'est pas une affaire de débat citoyen dans les journaux généralistes, mais de débat scientifique dans les colloques ou les revues à peer review. Ce qui était une hypothèse de travail il y a 20 ans, au debut du GIEC, est maintenant une certitude. donc oui, pour ce qui est du réchauffement climatique, il faut combattre l'effet de serre.

De toutes façons, le débat n'est meme pas là. Claude Allègre n'est pas passé par la voie scientifique, mais directement par la case grand public et dénonciation de la science officielle (une énorme bétise habituellement utilisée par ceux qui ne connaissent rien à la recherche, comme peut-il tomber dedans ?). Ses arguments frisent le ridicule, j'ai froid donc on peut contester le réchauffement climatique, quand ils ne sont pas malhonnêtes, cf les deux papiers de Libé. Il est aussi une catastrophe ambulante dans le registre du scientifique médiatique !

Tom Roud a dit…

Bonjour,
je ne suis pas du tout d'accord avec l'affirmation que "les conséquences pour la science de l'intervention de Claude Allègre sont très limitées, voire quasi nulle".

C. Allègre jette ici un pavé dans la mare, comme Authueil dit, mais son intervention est totalement illégitime scientifiquement. Comme l'explique très bien Jancovici, il me semble que le doute est sur le quantitatif, mais qualitativement, on est sûr du réchauffement climatique et sûr que cela vient des activités humaines (entre parenthèses, je suis halluciné du mépris sous jacent envers les scientifiques impliqués et leurs travaux). Donc comme le dit Enro, c'est une intervention totalement politique, une intervention de forme. Or ce genre d'intervention est totalement désastreux sur le grand public, en semant un doute politiquement dangereux. Car il faudra faire des efforts individuellement et collectivement pour essayer d'atténuer le réchauffement climatique. Et plus il y a de petits malins pour nous dire qu'en fait, nous n'y sommes pour rien, moins il y aura de gens désireux de faire ces efforts ("le mode de vie des Américains n'est pas négociable" disait Bush père à Rio en 92).

Dans un domaine différent, cela me rappelle le débat sur l'Intelligent Design aux Etats-Unis. C'est exactement la même chose : on a créé de toutes pièces un faux débat scientifique qui n'existe pas, sur la base de pseudo-arguments de bon sens et sur un fond de théorie du complot, dans un but éminemment politique (à savoir en gros un combat pour la "morale"), et à la fin des fins, on commence à changer les programmes scolaires et on a un pourcentage énorme d'Américains qui ne croient plus à la théorie de l'évolution, y préférant le créationnisme.

Matthieu a dit…

je ne sais pas quelle est la proportion d'américains qui approuvent la théorie de l'évolution, qui croient à l'intelligent design, ou qui s'en fichent, mais je suis bien d'accord pour dire que dans les deux cas, le débat n'est pas scientifique, il est politique.

Par contre, contrairement à l'influence religieuse derrière l'ID, je ne vois pas quel interet Claude Allègre tire de cette polémique. peut-être un retour sur la scène médiatique ? je doute que ce soit une motivation suffisante. Je ne comprends pas, vraiment.