Penseur

mercredi, octobre 11, 2006

Dans la vraie vie, je ne suis pas monomaniaque

Je préfère préciser, parce que là, vous allez commencer à croire que je ne parle que d’environnement et de biotechnologie.


Image : NASA




En matière de lutte contre le réchauffement climatique, il semble que les américains ont un messie, un catalyseur de bonnes volonté, un mécène, et même Terminator dans leurs rangs. En France, nous avons des non-spécialistes qui donnent des avis divergents. Il semble que Claude Allègre soit perçu comme un dissident contre la pensée « mainstream », ce qui est plutôt de mauvais augure pour la suite. J’espère que le débat chez Authueil va s’installer et qu’il sera de bonne qualité, et surtout qu’il changera d’avis, car ça me désole de voir quelqu’un d’aussi manifestement intelligent se fourvoyer dans des théories aussi fumeuses.

Vous vous souvenez sûrement d’avoir grincé des dents quand les Etats-Unis n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto. A l’époque, les Français (pardon pour cette généralisation, mais elle n’est pas si fausse) s’indignaient que des scientifiques ultra-minoritaires, contestant le changement climatique, servent d’alibi aux hommes politiques américains pour céder aux sirènes des lobbys industriels. N’y aurait-il pas comme un ironique renversement de situation ?

Cependant, je suis optimiste. Le réchauffement climatique est en train de devenir politiquement correct. La lutte contre l’effet de serre, ou pour l’environnement en général, commencent à devenir un passage obligé pour les hommes politiques, des deux côtés de l’Atlantique. Bientôt, un peu plus tôt aux Etat-Unis, un peu plus tard dans le reste du monde, les rapports de force s’inverseront, comme ils l’ont fait pour le tabac. Le lobby des fumeurs et des marchands de tabac est devenu plus faible que l’opinion publique ; les industriels, les constructeurs automobiles, et autres industries polluantes, devront eux aussi s’adapter. Les calculs politiques montreront qu’il sera plus rentable de s’attaquer au problème climatique que de faire semblant de l’ignorer. Certains parleront d’un délire hygiéniste, d’une croisade médiatique, et ils auront peut-être raison – mais au moins, des solutions seront mises en œuvre. Voir ici un exemple pour le tabac

C’est bien beau de dire que les choses vont changer, mais là, tout de suite, que faire ? Ce site canadien est le plus complet que j’ai trouvé pour ce qui est des actions que chacun peut faire pour réduire son impact énergétique. Pour la France, cet article du Monde, titré « Un rapport estime que la France peut diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre », suggère que la piste principale à explorer est la maîtrise des dépenses énergétiques. Je n’ai pas retrouvé ce rapport, mais cette position, défendue de longue date par les écologistes, justifie le lien précédent : chaque citoyen est responsable, à son échelle, des progrès à accomplir. Comme on dit, il n’y a pas de petites économies si on est soixante millions à les faire. Cependant, je pense que l’on peut être plus optimiste que l’article sur l’amélioration des technologies liées aux énergies propres. Je me souviens aussi d’avoir lu dans Science qu’il était envisagé de stocker dans les anciens puits de pétrole le dioxyde de carbone de l’air : c’est peu coûteux et la technologie est très bien maîtrisée par l’industrie pétrolière. Il y a urgence, si l’on veut éviter un dégel brutal du permafrost ou des hydrates de carbones.

Quoi d’autre ? Le durcissement du marché du carbone, comme en Californie, ainsi qu’un certain nombre de mesures coercitives vis-à-vis des industries polluantes, peut avoir paradoxalement un effet stimulant sur l’économie. C’est toujours le même refrain : pour peu que la recherche, l’innovation et la création de startups technologiques soient encouragées, il est possible d’espérer des gains importants dans le secteur des technologies non polluantes ou de dépollution ! Je pense que la Californie va fournir dans quelques années la preuve qu’il est possible de stimuler l’économie par l’écologie. En plus d’avoir un solide tissu de recherche, la condition est d’être parmi les premiers à le faire, pour attirer les entrepreneurs et les innovateurs. Alors, n’attendons pas.

EDIT : quand je dis que les choses s'accélèrent : voila maintenant que les maires de grandes villes américaines s'associent pour faire pression sur le gouvernement fédéral pour ratifier le protocole de Kyoto, et encourager des initiatives locales.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah, si Al Gore avait été élu à la place de Bush, tout ça à quelques centaines de voix en Floride... Il parait que son film qui sort aujourd'hui est très bien.
Allegre est vulcanologue et non climatologue, il se ridiculise totalement.
La lutte contre la pollution nécessite des changements de comportements radicaux qui vont prendre des générations. Oui il faut faire tout ce que nous pouvons, le probleme de la pollution dans les pays émergents est encore plus difficile...
PS : je t'ai envoyé un mail

Anonyme a dit…

Je ne pense pas me fourvoyer Mathieu. Si vous lisez bien mon article, je déclare juste qu'en matière de théorie scientifique, il peut être bon parfois que des opinions divergentes soient émises. Ce n'est pas parce que les spécialistes sont unanimes qu'ils ont forcement raison. Il faut parfois les bousculer et les "mandarins" ne sont pas toujours les meilleurs pour innover.

Sur cette question du réchauffement climatique, Allègre, avec sa brutalité habituelle, pose des questions sur l'importance de l'effet de serre dans le réchauffement climatique. Lui penche plutôt pour une problématique centrée sur les océans. Il n'est peut être pas climatologue, mais comme géophysiscien, ce n'est pas un imbécile et sa parole est à écouter

Matthieu a dit…

@Ava : ah merci ! je n'avais pas vu.

@Authueil : les opinions divergentes sont toujours émises, discutées, et passées au crible du peer review dans la communauté scientifique. Là, l'opinion divergente passe dans les médias. C'est très différent, et ce n'est pas sain. Thabo Mbeki a exprimé une opinion différente sur le SIDA : il n'est pas spécialiste non plus, il a lui aussi dit des bétises. Le problème est que les médias offrent une caisse de résonance aux opinions minoritaires qu'elles ne méritent pas. Allègre énonce beaucoup de contre-véritées, qui ont été largement démontées depuis. Le problème c'est que pour vous ces contre-vérités ne diminuent pas la valeur potentielle de son opinion. Pourquoi ?

Laurent GUERBY a dit…

L'avantage des opinions qui passent par les médias à l'age de l'internet c'est qu'elles permettent à une opposition raisonnée de structurer des arguments et de se forcer un peu à les rendre accessibles.

Un peu de conscience dans la science :).